The Logbook

Farewell Paradise
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Wer seine Eltern mit der Vergangenheit konfrontiert, muss damit rechnen, dass es unangenehm wird. Vor allem, wenn die Familie schon seit Jahrzehnten kein idyllisches Bild mehr ergibt. Die glücklichen Kindheitserinnerungen zu Beginn von Sonja Wyss’ Dokumentation Farewell Paradise sind daher zwangsweise trügerischer Natur. Mit ihrer sonnenstrahlenden, bonbonfarbenden Sorglosigkeit hängen sie einer Zeit nach, die im starken Kontrast zu dem grauen, kargen Setting steht, das die Regisseurin als Gesprächsraum gewählt hat, um sich gemeinsam mit ihren Eltern und Geschwistern auf eine Spurensuche nach der Wahrheit zu begeben. Konkret geht es um die Trennung von Mutter und Vater, die das friedliche Miteinander der sechsköpfigen Schweizer Familie auf den Bahamas zunächst ins Schwanken und schliesslich zu Fall brachte, jedoch nicht ohne die Strapazen und temporären Neuanfänge, nicht ohne die ganze Bandbreite an Höhen und Tiefen, Beschönigungen und Verletzungen, die ein solches Unterfangen im Allgemeinen mit sich bringt. Das Faszinierende an diesem schlichten, unaufgeregten und ungemein privaten Film ist jedoch weniger das Drama, von dem er erzählt, als vielmehr die meditative Wirkung, die er erzeugt. Das entspannte Tempo im Schnitt wird verstärkt durch kontemplative Landschaftsaufnahmen, die den Bezug zur Realität herstellen wollen und darüber hinaus eine seltsame Harmonie erzeugen, die sich den Erinnerungen der Töchter und der Eltern anzupassen und aufzuerlegen scheint. Selbst in den intimsten und schmerzlichsten Momenten bleibt daher Raum für Reflexion und Perspektivwechsel, in Freiheit und auf Augenhöhe. Dass es der Regisseurin auf diese Weise gelingt, einen Diskussionsraum zu schaffen, der weder das Fehlverhalten des Vaters anklagt noch der Mutter eine blosse Opferrolle zuweist, macht diesen Film zu einer formal spannenden Versuchsanordnung, die zwar im letzten Akt der Nostalgie verfällt, aber dennoch als anregendes Experiment im Umgang mit persönlicher Vergangenheitsbewältigung in Erinnerung bleibt.
Text: Pamela Jahn
Farewell Paradise | Film | Sonja Wyss | CH-NL 2020 | 93‘ | Solothurner Filmtage 2021

Suot tschêl blau
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Film-autel grisé de bleu
Sous le ciel bleu, du réalisateur romanche Ivo Zen auquel on doit une petite dizaine de documentaires et de fictions réalisés depuis 2000, est une promesse de bleu. Le bleu acier du ciel d’hiver de Haute-Engadine dans la région de Samedan donne le vertige. Tellement puissant, immensément immaculé à perte de vue, il inocule l’impérieux besoin pour certains de prolonger l’expérience de cet accomplissement en une dimension plus étourdissante encore. Années 1980 et 1990, la cocaïne, l’héroïne et d’autres drogues sont consommées jusqu’à des excès mortifères. La promesse du cinéaste tient en cette tentative de lier la beauté inquiétante (aux dires de certains) du ciel et les états léthargiques des stupéfiants, parmi une poignée de jeunes adultes au sein de cette commune grisonne d’environ 3’000 habitants.
L’autre proposition forte du film tient en sa mise en scène d’une espèce d’autel, une table de bois massif située sous les voûtes du musée de la localité, sur laquelle les parents et amis déposent des objets ayant appartenus aux disparus : une paire de bottes de cowboy, une guitare, une boule de billard… Objets de mémoire douloureuse plus de trente ans plus tard, ils invitent à des évocations, des échanges, des silences. Des villageois sont réunis à la Croce Bianca à l’invitation d’Ivo Zen et assistent à un concert de jazz dont la musique méditative accompagne le film. Le bistrot du village avait été fréquenté par cette jeunesse trébuchante et il est impressionnant de constater à quel point l’expression des chagrins passés est difficile et l’impuissance à prendre la mesure du mal-être éprouvé des victimes, avérée.
Ivo Zen avait raconté dans Zaunkönig – Tagebuch einer Freundschaft (2016) son deuil d’un ami proche mort d’une consommation abusive de drogue. Ici, il élargit le cercle à un groupe d’une vingtaine de personnes qui avait décidé de « changer quelque chose » et dont les ambitions échouèrent pathétiquement, jusqu’à que mort s’en suive. Ces événements sont inscrits avec pertinence dans la mouvance des mouvements contestataires qui prirent à Zurich une ampleur spectaculaire (AJZ, Platzspitz, Dynamo, Rote Fabrik, etc.), et dont Samedan paraît être une très modeste réplique.
À vouloir tracer ce récit avec des personnages parfois émouvants – particulièrement ce père qui mit tant de temps à accepter la mort de son fils – Ivo Zen cherche à voir clair au fond du bleu du ciel et autour de l’autel mémoriel. Il s’y engage avec délicatesse afin de ne point bousculer les sensibilités ni questionner les valeurs de cette communauté mise en émoi – plus qu’en question – par ces gens disparus au nirvana égotique de leurs vies terrestres.
Text: Jean Perret
Suot tschêl blau – Sous le ciel bleu | Film | Ivo Zen | CH 2020 | 70’ | Visions du Réel Nyon 2020, Solothurner Filmtage 2021

Lieblingsmenschen
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Vlady Oszkiel’s film is a convincing start for this new section of the Solothurner Filmtage, Opera prima. An old setting – the deconstruction of superficial friendship in the huis clos of a vacation villa – but with fresh ideas – the insertion of expressive scenes within a theatrical Kammerspiel – makes of Lieblingsmenschen an enjoyable diversion. A subtle analysis of relationships that plays with gender clichés, thanks to the fine performance of the young actors, Oszkiel obtains an intelligent balance between drama und irony.
Text: Giuseppe Di Salvatore
Lieblingsmenschen | Film | Vlady Oszkiel | CH 2020 | 65’ | Solothurner Filmtage | Opera prima | World premiere

Wake Up on Mars
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Le traumatisme. La trame du temps qui se déchire. Le trou noir qui abolit l’espérance et menace l’identité. Et parfois, comme c’est le cas pour les deux adolescentes que l’on découvre endormies dans le plan inaugural de Wake Up on Mars, les corps qui s’effondrent sous le poids de leur propre sidération. À l’image de centaines d’enfants de familles exilées en attente de régularisation, Ibadeta et Djeneta Demiri sont victimes du « syndrome de résignation », un coma profond qui survient à la suite d’un grand choc émotionnel. Roms du Kosovo et persécutés comme tels, les Demiri ont fui leur terre d’origine et trouvé un point de chute en Suède où les attendait une autre forme d’injustice, celle des politiques migratoires de plus en plus dures et restrictives. Par deux fois, elles ont vu leurs demandes d’asile rejetées, épisodes douloureux à la suite desquels Ibadeta a développé le syndrome catatonique. Deux ans auparavant, le mal avait déjà frappé Djeneta, après que cette dernière eut été témoin de l’agression de son petit frère Furkan, au Kosovo.
Sans rien occulter du quotidien de cette famille, partagé entre les difficiles démarches d’obtention d’un statut de résident et une attention de tous les instants portée aux jeunes filles clouées à leurs lits de sommeil, la caméra de Dea Gjinovci s’attarde sur le plus jeune de la fratrie, Furkan. À l’enfermement intérieur de ses sœurs, le garçon de dix ans oppose un désir d’aventure et de fuite imaginaire, symbolisé par un projet de construction de vaisseau spatial qu’il destine à l’emmener sur Mars. Une part importante du métrage est consacrée à cette quête, le garçon de dix ans se mettant à collecter des matériaux de récupération autour de chez lui, où forêts de contes et cimetières de voitures se côtoient. La cinéaste restitue ce paysage sensuel et mental avec une compréhension intuitive de la lumière et un grand sens de l’image. Très vite, nous comprenons que l’entreprise de Furkan n’a rien d’une lubie. Elle est une manière de conjurer l’angoisse de cette double attente (de la régularisation, du réveil de ses sœurs), de s’échapper du contexte suffoquant qu’elle impose à tous les membres de la famille, et aussi, comme il le laisse entendre au détour d’une phrase — « je pense que tout est de ma faute » — de mettre fin au cercle pernicieux de la culpabilité.
Articulé autour de ces deux pôles — l’un de recréation fictionnelle, l’autre de captation documentaire — Wake Up on Mars évite les pièges de la métaphore trop explicite ou du tract militant. L’écriture expose intelligemment le cadre de cette maladie peu connue, notamment par le biais de fragments radiophoniques qui reviennent sur sa perception par la société suédoise, entre circonspection de la science et méfiance de certains hommes politiques. Devant cette famille qui fait preuve d’une abnégation et d’une persévérance sans faille, le regard de Dea Gjinovci parvient à trouver la juste distance, celle de l’accompagnement. À cet égard, le basculement dans le fantastique, à la toute fin du film, témoigne du caractère fort et absolu de son geste de cinéaste, et réconforte quant à la capacité inouïe qu’a l’enfance de tracer un chemin de lumière dans la noirceur en apparence la plus totale.
Text: Nicolas Bézard
Wake Up on Mars | Film | Dea Gjinovci | CH-FR 2020 | 75’ | Visions du Réel 2020, Solothurner Filmtage 2021