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Les Années Super-8

Les biographies racontées sont marquées par les images, mieux : par un médium spécifique, la caméra Super-8, sa présence, ses conditions d’usage. Et par le désir (nécessairement pathétique) d’immortaliser les plus beaux moments de la vie familiale, donc par une intention que l’on voit dans le film progressivement se détacher de la réalité – partagée, déchirée qui se trouve entre l’insouciance des enfants et l’insatisfaction des adultes. L’absence de son crée alors cette suspension typique, presque métaphysique, des images en Super-8, et en même temps convoque la voix, comme si elle pouvait nous sauver de l’embarras des images et de leur encombrante charge nostalgique. C’est la voix (et les textes) d’Annie Ernaux, dernier prix Nobel de littérature, qui sont le vrai pilier du film édité par son fils David à travers la composition du commentaire de sa mère. Par la découverte et la redécouverte d’un médium qui met en dialogue images et voix, Les Années Super-8 raconte ainsi une époque de transformation – les années 1970 – entre les images du rêve bourgeois de la famille heureuse et la voix de la désillusion existentielle d’une mère qui doit encore se retrouver femme, entre les images de l’espoir d’émancipation sociale et la voix de la déception politique face au capitalisme triomphant.

David Ernaux-Briot, Annie Ernaux | FR 2022 | 63’ | Zurich Film Festival 2022
Screenings in Swiss cinema theatres

Giuseppe Di Salvatore

La ligne

Ursula Meier confirme son talent à superposer un récit naturaliste à des situations dysfonctionnelles à la force symbolique. Mais après un début plein d’énergie et de fureur, La ligne donne l’impression de « vouloir » relancer de façon forcée un drame à l’enjeu désormais trop clair. C’est peut-être aussi la conséquence d’un casting peu efficace, à l’exception de l’excellente Elli Spagnolo. 

Ursula Meier | CH-FR-BE 2022 | 101’ | Zurich Film Festival 2022, Solothurner Filmtage 2023 | CH-Distribution: Filmcoopi
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Giuseppe Di Salvatore

Matter Out of Place

Impressive, striking, spectacular – we will say this in looking at Geyrhalter’s images concerning the huge amount of waste in the world. The theme of waste is certainly not new, also in cinema, but here his “aesthetic of quantity” wants to highlight not only the burden of matter but more precisely the work needed to process this matter as an (energy) expensive burden. The absence of commentary initially frustrates us, at least insofar as we would like to know more about what we see. Nevertheless, wouldn’t the information have given us the impression to understand and control a phenomenon of which Geyrhalter prefers to stress the disproportion?

Nikolaus Geyrhalter | AT 2022 | 106’ | Locarno Film Festival 2022 | CH-Distribution: Frenetic Films
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Giuseppe Di Salvatore

Hijos del viento

À travers le témoignage exceptionnel d’un acteur du système de corruption et de violence qui déchire la Colombie, Felipe Monroy construit un récit qui est un « j’accuse » sans concession, un cri pour la dignité des victimes, dans une tentative de faire du film un instrument de changement.

Felipe Monroy | CH-COL 2022 | 98’ | Visions du Réel 2022, Solothurner Filmtage 2023 | CH-Distribution: Adok Films
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Giuseppe Di Salvatore

R.M.N.

Sumptuous in the conception and solemn in the storytelling, Cristian Mungiu’s last film is an all-encompassing fresco of rural Rumania, a sort of contemporary version of Ivo Andric’s novel The Bridge on the Drina. Nevertheless, the panoramic ambition of the film finally weakens its energy and its cinematic specificity. R.M.N. could be taken as a symptom of the political turn of Rumanian New Wave, traditionally focused on the particular stories of the individuals, but larger societal phenomena such as racism and xenophobia seem to finally be reduced to family conflicts and a kind of (excusable?) universal psychologism. 

Cristian Mungiu | ROM 2022 | 125’ | Zurich Film Festival 2022 | CH-Distribution: Cineworx
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Giuseppe Di Salvatore

Foudre

Foudroyante, c’est certainement le cas de la caméra de Marine Atlan, laquelle soutient avec une grande sensualité un récit qui se plaît à confondre reconstruction historique et libre expression émotive. Par un montage créatif (Xavier Sirven) qui ponctue la narration avec plusieurs pauses contemplatives, Carmen Jaquier développe le thème de la libération pan-sexualiste bien au-delà des limites de l’évidente critique de la bigoterie de la montagne suisse d’antan. À ce propos, le dépassement du moralisme – et de la nécessité du cadre historique – finit paradoxalement par renforcer le motif du fanatisme religieux, en ouvrant ainsi un territoire problématique (historiquement, celui des mouvements cathares ?) qui ne semble pas pleinement assumé. En tout cas, ce premier film est la démonstration d’un grand talent de la jeune génération suisse !

Carmen Jaquier | CH 2022 | 92’ | Zurich Film Festival 2022, Solothurner Filmtage 2023 | CH-Distribution: Sister Distribution
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Giuseppe Di Salvatore

Nana - Before, Now and Then

Kamila Andini continues her exploration of female emancipation in the strongly patriarchal Indonesia. The theme is immediately made explicit, which wouldn’t have been helpful to the long development of the plot, if she had not focused on a nuanced feminist protagonist. However, the film almost exclusively serves the slow-paced storytelling and its “message”, leaving little room for cinematic ideas – in comparison, for example, to Andini’s wonderful Seen und Unseen (2017).

Kamila Andini | IDN 2022 | 103’ | CH-Distribution: Trigon Film
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Giuseppe Di Salvatore

Ours

Morgane Frund is brave because she does not fear to confront her voyeur protagonist and reverse his “male gaze” in rearranging the roles of power and being the one who shoots and takes pictures of him as amateur filmmaker. In this way she is not afraid of raising difficult ethical questions about the violence of the gaze, the limits of the private and public spheres in looking at and recording images – her own images too. In a subtle editing, between questioning and self-questioning, she gets us to be aware of how there is no candid average man, merely widely accepted prejudices that actually cover highly problematic attitudes.

Morgane Frund | CH 2022 | 19’ | Best Film in Programme Sparks II at the Internationale Kurzfilmtage Winterthur 2022 - Best Graduation Film at Prix du Cinéma Suisse 2023

Giuseppe Di Salvatore

(Im)mortels

Un documentaire de famille, qui se construit en toute simplicité, et se plaît à aborder les grandes questions de la vie – et de la mort. Lila Ribi part de sa grand-mère, en véritable état de grâce, pour élargir son regard sur d’autres personnages du monde médical ou spiritualiste. Nous laissons de côté les informations des spécialistes et revenons volontiers à la confrontation sincère avec la grand-mère, suivie durant 10 ans (!), car c’est à travers elle et à travers la relation intime avec la petite-fille à la caméra, qu’une forte expérience de cinéma grandit.

Lila Ribi | CH 2022 | 88’ | CH-Distribution: Filmbüro
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ONLINE STREAMING (Switzerland) by Filmexplorer's Choice on cinefile.ch

Giuseppe Di Salvatore

La dérive des continents (au sud)

D’un côté, le goût pour les détails psychologiques, un Witz et un tempo à la Woody Allen ; de l’autre, une question politique complexe (autour du programme européen Frontex), un questionnement éthique difficile, celui de la responsabilité et de la culpabilité de l’Occident face à la crise migratoire. Lionel Baier veut tout prendre, dans une comédie toute ronde et toute lisse. Je soulignerais l’importance de l’autocritique d’une société occidentale pressée d’arborer une belle figure humaniste sur le dos de la souffrance des migrants. Mais on devrait aussi se demander si l’encadrement d’une telle autocritique dans cette comédie légère à tout prix ne s’avère pas justement être la plus belle des belles figures humanistes sur le dos de la souffrance des migrants… 

Lionel Baier | CH 2022 | 89’ | Locarno Film Festival 2022, Solothurner Filmtage 2023 | CH-Distribution: Pathé Films
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Giuseppe Di Salvatore

De noche los gatos son pardos

Avec sa fantaisie enfantine et le plaisir d’une mise en scène débridée, le film de Valentin Merz constitue une sorte de récit jubilatoire à la puissance libératoire. La célébration de la dimension collective et la multiplication des noyaux narratifs marquent une première partie du film qui se repose entièrement sur la force des images – et de la musique. Puis le cinéma cède la place au théâtre, sur la ligne d’une enquête policière décousue, parfois forcée, où la tentative de jouer la carte de l’humour ne réussit pas toujours.

Valentin Merz | CH 2022 | 110’ | Locarno Film Festival 2022, Solothurner Filmtage 2023 | CH-Distribution: Vinca Films
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Giuseppe Di Salvatore

Fuku Nashi

Le retour aux racines et le questionnement sur l’identité multiculturelle sont des thèmes récurrents qui ne surprennent presque plus l’habitué des films documentaires. Mais Julie Sando réussit à nous faire participer à sa réappropriation du Japon avec une justesse rare, par le choix minimaliste de la confrontation touchante avec sa grand-mère et son micro-cosmos, indéfini et riche à la fois. L’indéfinissable du questionnement trouve ainsi une incarnation physique dans une personne et une relation, desquelles nous sentons que nous pouvons découvrir encore et toujours des aspects inattendus.

Julie Sando | CH 2022 | 44’ | Visions du Réel 2022, Solothurner Filmtage 2023
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Giuseppe Di Salvatore

Onde fica esta rua?

Quand la saudade devient fétiche. Est-ce que les réalisateurs João Pedro Rodrigues et João Rui Guerra da Mata nous restituent un film absent (Os verdes anos de Paulo Rocha, 1963) et sa mémoire ? Dans Onde fica esta rua ? il est moins question de mémoire vivante que d’une archéologie du présent qui s’avère être un festival de débris. L’absent s’efface au profit de l’anecdote. Un exercice postmoderne à la piste sonore très agréable ? Ou bien une sorte de « cinéma privé » ?

João Pedro Rodrigues, João Rui Guerra da Mata | PT-FR 2022 | 88’ | Locarno Film Festival 2022, Black Movie 2023
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Giuseppe Di Salvatore

À vendredi, Robinson

Autoportrait d’une cinéaste en quête d’hommages : Mitra Farahani filme surtout sa volonté de tisser un dialogue impossible entre Ebrahim Golestan et Jean-Luc Godard ; elle à l’ombre de Golestan, Golestan à l’ombre de Godard, selon une verticalité religieuse, celle de l’autorité intellectuelle. Les moments d’humour et quelques provocations de Godard font vibrer un film autrement bloqué dans le pathos humaniste et paternaliste du vieillard iranien. Un pathos qui, parfois, sait même rendre « pathétique » le défaitisme du vieillard de Rolle.

Mitra Farahani | FR-CH-LEB 2022 | 96’ | Visions du Réel 2022, Solothurner Filmtage 2023
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Giuseppe Di Salvatore

Ardente.x.s

Le film de Patrick Muroni est un important témoignage d’idées, ou plutôt d’attitudes qui sont dans l’air du temps. J’aimerais bien parler de combat contre le patriarcat et de révolution queer, qui sont effectivement incarnés par les ardente.x.s dont il fait le portrait. Mais il s’agit malheureusement de thèmes laissés sur le bas-côté, noircis ou confondus avec le thème de la pornographie, qui est dramatiquement absent comme sujet du film. Car il n’est pas possible d’approcher la question délicate de la pornographie sans thématiser les aspects de l’argent, du métier, et surtout du voyeurisme – tous absents, ici, en faveur de l’exhibition du making-of de quelques vidéos amateurs où il est question de vivre le plaisir plus que de le montrer. C’est à nous d’être voyeurs, à Muroni et à son film de professionnaliser le collectif d’ardente.x.s, à la production et distribution d’Ardente.x.s de faire circuler un peu d’argent. Sans distance par rapport à ses protagonistes, le film de Muroni ne documente donc pas mais performe, de façon indirecte et retenue, une sorte de pornographie ou, mieux, une intention de pornographie. 

Patrick Muroni | CH 2022 | 96’ | Visions du Réel 2022, Solothurner Filmtage | CH-Distribution: Outside the Box
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Giuseppe Di Salvatore

Le film de mon père

Jules Guarneri tourne sa caméra vers son père pour une confrontation cinématographique directe, dialectique, où la direction est continuellement renvoyée de l’un à l’autre. L’humour renforce le père comme personnage, face auquel il n’est pas facile de trouver sa place, entre distance et affection. L’admirable travail de montage constitue le véhicule pour atteindre, avec le film, une émancipation inattendue.

Jules Guarneri tourne sa caméra vers son père pour une confrontation cinématographique directe, dialectique, où la direction est continuellement renvoyée de l’un à l’autre. L’humour renforce le père comme personnage, face auquel il n’est pas facile de trouver sa place, entre distance et affection. L’admirable travail de montage constitue le véhicule pour atteindre, avec le film, une émancipation inattendue.

Jules Guarneri | CH 2022 | 73’ | Visions du Réel Nyon 2022, Solothurner Filmtage 2023 | CH-Distribution: First Hand Films

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Ruth Baettig

Aya

Par une forme documentaire aux moyens simples, Aya convainc par son casting exceptionnel, qui permet d’explorer avec une grande authenticité « le jour après » les moments les plus violents du drame de la migration. Nous découvrons comment ce drame peut résumer ensemble la tragédie de la discrimination et la comédie de la rencontre. De quoi désespérer et espérer à la fois. 

Thomas Szczepanski, Lorenzo Valmontone | CH 2022 | 69’ | Solothurner Filmtage 2022, Black Movie 2023
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Giuseppe Di Salvatore

Couvre-feu. Journal de Monique St-Hélier (1940-44)

Film immersif et sensoriel sur une autrice dont on aimerait découvrir plus de son œuvre et de son art, qui délivre un témoignage sensible de Paris pendant la Deuxième Guerre mondiale – avec un inévitable écho à l’actualité… 

Rachel Noël | CH 2022 | 70’ | Solothurner Filmtage 2023 (already at Visions du Réel 2022)
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Giuseppe Di Salvatore