Laissez-moi

[…] Évitant avec habileté le piège de la dramatisation… ce film donne à entrevoir le rituel d’un désir qui, loin de faner, demeure vivant, quoique divisé.

Par la fenêtre, une forêt de mélèzes. Le train serpente. Si prendre de l’altitude s’avère être une promesse faite au regard, un changement de perspective, une mise à distance quelquefois salutaire, il est tout autant question d’un déplacement en soi-même, d’une écoute du monde par en-dessous. En refusant de dissimuler ses propres tentatives, cultivant dès lors une vulnérabilité proche des personnages qu’il met en scène, Laissez-moi, le premier long métrage du réalisateur genevois Maxime Rappaz, présenté en ouverture de l’ACID à Cannes, touche par sa sincérité. Préférant la simplicité au spectaculaire, il produit une narration qui, dépourvue de jugement ou d’intrusion, tend à l’essentiel.

Claudine, incarnée avec justesse par Jeanne Balibar, exerce son métier de couturière, tout en s’occupant seule de son fils Baptiste, en situation de handicap. S’il comprend les choses du monde, tout en ayant sa propre réalité, il laisse entrevoir une sensibilité de tout instant à ce qui l’entoure. Lorsque chaque mardi, sa mère s’absente, Baptiste, fan de Johnny Logan et Lady Diana, répète ses sonates avec la voisine. Merveilleusement interprété par Pierre-Antoine Dubey, après de longs mois passés auprès de personnes concernées ainsi qu’un apprentissage très rigoureux de la gestuelle, ce type de rôle, plutôt rare, invite à interroger la représentation du handicap, visible et invisible, au cinéma.

Majestueux et inquiétant, le barrage de la Grande Dixence sert de cadre à l’histoire qui se déroule en Valais, à la fin des années nonante. Davantage qu’un décor, il imprègne cette dernière jusqu’à devenir tiers personnage ou paysage intérieur. Reflétant la vie émotionnelle de Claudine, le barrage matérialise la menace d’un relâchement imminent, toutefois contenu. Jusqu’à quand ? Si cette menace s’intensifie, elle explore une existence qui ne s’appartient plus tout à fait, suggérant, au risque de susciter, par moment, une certaine impatience, l’espérance d’une redéfinition de ses contours.

Laissez-moi convie en outre à considérer l’oscillation entre présence et absence, parole et silence. En effet, l’usage des mots dits, tus, ou encore empruntés, participe d’un même mouvement : la constitution d’un langage, quelquefois maladroit, ayant pour but de rendre accessible en creux, à soi-même, et à l’autre, en dépit de la réalité qu’il fait advenir, ce qui nous traverse. Si les lettres fictionnelles postées chaque semaine par Claudine à son fils semblent répondre à un besoin mutuel, elles rappellent le recours au fantasme et au mythe pour tenter de parer à l’inexplicable. Cette alternance s’inscrit également dans un quotidien rythmé par la responsabilité portée par une femme devenue mère, puis proche aidante. Évitant avec habileté le piège de la dramatisation, malgré l’articulation de certains ressorts prêtant à l’action une sensation fugace de déjà-vu, ce film donne à entrevoir le rituel d’un désir qui, loin de faner, demeure vivant, quoique divisé. Or, si l’urgence de repousser tout attachement persiste en toile de fond, l’ambiguïté subsiste, contribuant à renforcer une danse quelque peu mélancolique, avant tout solitaire.

La rencontre avec Michael (Thomas Sarbacher) précipite une stabilité sinon étouffante, rassurante. Cette figure d’un homme aimant, bienveillant, offrant un autre modèle de masculinité, opère telle une réparation. Discrète, elle réaffirme une tendresse sous-jacente, elle-même appuyée par le soin apporté à la photographie (Benoît Dervaux). À cet égard, l’on soulignera la finesse du travail sur la lumière. Celle-ci se révèle tant dans les plans larges, sublimes, à la découpe précise, quasi architecturale, que dans l’intimité des corps filmés de très près. Montrés comme ils le sont peu, sans fard, altérables, marqués par le passage du temps, ils se dévoilent en clair-obscur avant de disparaître dans la pénombre. En signant une bande-originale au piano, Antoine Bodson invite à une contemplation par touche. Sensible, puisqu’il sert le propos avec délicatesse, ce choix ouvre un espace généreux au sein duquel les émotions peuvent se déployer. Une élégante sobriété.

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Aus dem Fenster sieht man einen Lärchenwald. Der Zug schlängelt sich. Das Erklimmen der Höhe ist ein Versprechen an den Blick, ein Perspektivenwechsel, eine manchmal heilsame Distanzierung, aber es geht auch um eine Bewegung in sich selbst, um ein Hören der Welt von unten. Der erste Spielfilm des Genfer Regisseurs Maxime Rappaz, Laissez-moi, der als Eröffnungsfilm der Sektion ACID in Cannes gezeigt wurde, berührt durch seine Aufrichtigkeit, indem er sich weigert, seine eigenen Versuche zu verbergen, und somit eine Verletzlichkeit kultiviert, die den Figuren, die er inszeniert, nahe kommt. Er zieht die Einfachheit dem Spektakulären vor und produziert eine Erzählung, die, ohne zu urteilen oder aufdringlich zu sein, zum Wesentlichen tendiert.Claudine, die von Jeanne Balibar prägnant verkörpert wird, übt ihren Beruf als Schneiderin aus und kümmert sich allein um ihren behinderten Sohn Baptiste. Er versteht die Dinge der Welt, hat aber auch seine eigene Realität, und er lässt eine ständige Sensibilität für seine Umgebung erkennen. Wenn seine Mutter jeden Dienstag abwesend ist, übt Baptiste, der ein Fan von Johnny Logan und Lady Diana ist, mit der Nachbarin seine Sonaten. Pierre-Antoine Dubey spielt diese Rolle wunderbar, nachdem er viele Monate mit Betroffenen verbracht und die Gestik sehr genau erlernt hat. Diese eher seltene Rolle lädt dazu ein, die Darstellung von sichtbaren und unsichtbaren Behinderungen im Kino zu hinterfragen.

Die majestätische und beunruhigende Staumauer der Grande Dixence bildet den Rahmen für die Geschichte, die Ende der neunziger Jahre im Wallis spielt. Sie ist mehr als nur eine Kulisse, sie durchdringt die Geschichte, bis sie zu einer dritten Person oder einer inneren Landschaft wird. Der Staudamm spiegelt Claudines Gefühlsleben wider und verkörpert die Gefahr eines drohenden, aber eingedämmten Nachlassens. Wie lange wird es dauern? Wenn diese Bedrohung zunimmt, erkundet sie eine Existenz, die nicht mehr ganz zu sich selbst gehört, und suggeriert – auf die Gefahr hin, zeitweise eine gewisse Ungeduld zu wecken – die Hoffnung auf eine Neudefinition ihrer Konturen.Laissez-moi  lädt auch dazu ein, das Oszillieren zwischen Anwesenheit und Abwesenheit, zwischen Sprechen und Schweigen zu betrachten. Die Verwendung von gesprochenen, verschwiegenen oder geliehenen Wörtern ist Teil einer einzigen Bewegung: der Bildung einer manchmal unbeholfenen Sprache, deren Ziel es ist, sich selbst und dem anderen trotz der Realität, die sie hervorbringt, im Verborgenen zugänglich zu machen, was durch uns hindurchgeht. Die fiktionalen Briefe, die Claudine jede Woche an ihren Sohn schickt, scheinen zwar einem gegenseitigen Bedürfnis zu entsprechen, erinnern aber auch an den Rückgriff auf Fantasie und Mythos, um das Unerklärliche abzuwehren. Dieser Wechsel ist auch Teil eines Alltags, der von der Verantwortung geprägt ist, die eine Frau trägt, die zur Mutter und dann zur pflegenden Angehörigen wird. Doch auch wenn das Bedürfnis, alle Bindungen abzuwehren, im Hintergrund fortdauert, bleibt die Zweideutigkeit bestehen und trägt dazu bei, einen etwas melancholischen, vor allem einsamen Tanz zu verstärken.

Die Begegnung mit Michael (Thomas Sarbacher) führt zu einer Stabilität, die wenn nicht erdrückend, doch zumindest beruhigend ist. Diese Figur eines liebenden, wohlwollenden Mannes, der ein anderes Modell von Männlichkeit anbietet, wirkt wie eine Wiedergutmachung. Sie ist diskret und bekräftigt eine unterschwellige Zärtlichkeit, die durch die Sorgfalt der Fotografie (Benoît Dervaux) unterstützt wird. In diesem Zusammenhang ist die Feinheit der Arbeit mit dem Licht hervorzuheben. Das Licht zeigt sich sowohl in den erhabenen Grossaufnahmen mit ihrem präzisen, fast architektonischen Schnitt als auch in der Intimität der Körper, die aus nächster Nähe gefilmt werden. Sie werden so gezeigt, wie sie kaum zu sehen sind, ungeschminkt, veränderlich und vom Lauf der Zeit gezeichnet, sie enthüllen sich im Helldunkel, bevor sie im Halbdunkel verschwinden. Indem Antoine Bodson einen Klavier-Soundtrack signiert, lädt er zu einer berührenden Kontemplation ein. Diese Entscheidung ist sensibel, da sie dem Thema auf zarte Weise dient, und eröffnet einen grosszügigen Raum, in dem sich die Emotionen entfalten können. Eine elegante Nüchternheit.

[Dieser Text wurde mit KI auf Deutsch übersetzt]

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Laissez-moi | Film | Maxime Rappaz | CH 2023 | 90’ | Zurich Film Festival 2023, Solothurner Filmtage 2024 | CH-Distribution: Frenetic Films

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First published: October 27, 2023