Ville Neuve

Oui et non : ce sont les options référendaires que les Québécois ont vécues en 1980 et en 1995 pour se séparer ou non du Canada. Deux dates qui marquent deux générations, celle de Joseph et Emma, en couple puis séparés, et d’Ulysse, leur fils qui retrouve les mêmes agitations politiques que ses parents, le même engagement. Et oui et non, c’est également l’alternative à laquelle sont confrontés Joseph et Emma quant à la question de leur réunion ; l’un, le plus ambitieux des deux mais également le plus défaitiste, la souhaite ; l’autre s’y essaye puis s’y accroche. Mais Ville Neuve — le village à la mer où Joseph se retire pour chercher un nouveau début — est un film qui se tient tout en deçà de ces options, et plutôt explore les plis infinis qui, sous la pression de la vie vécue, se multiplient entre le oui et le non. C’est un film d’animation dessiné en noir et blanc où nous pouvons découvrir les mille tonalités de gris, les mille formes des ombres, les reflets, c’est un film de nuances.

Et un film de parole. Le récit, quelquefois relié à l’action, est surtout structuré autour des moments de méditation, voire des stances poétiques qui rythment les évolutions des âmes, entre regret et espoir, souvenirs et tentatives. Il s’agit d’un voyage qui se déploie tout à l’intérieur des protagonistes du film, dont il faut louer la solidité – elle n’était pas donnée, avec une ligne narrative si radicalement intimiste.

La souffrance est liée aux échecs du passé, et le drame de Ville Neuve est tout dans la difficulté de se libérer du poids du passé, le côté sombre de la maturité. Voilà, peut-être, la raison pour laquelle Félix Dufour-Laperrière insiste sur l’eau, thématisée par la mer et son ouverture, mais aussi véhicule d’un principe de liquidité qui connote les contours des relations, et cela à travers la liquidité des formes : l’encre sur papier des dessins mais surtout la fluidité dans la dynamique de l’animation. Insistance également sur la nuit, si présente, si sombre, dans laquelle la scène plusieurs fois évoquée de la montée de la cloche dans le film Andrej Rublëv d’Andreï Tarkovski (1966) fait figure de phare.

Ville neuve est un film qui met en scène le drame de la stagnation des âmes et des relations, lesquelles peuvent trouver, justement à travers et en traversant les marées de l’hésitation, la beauté du début, nouveau début ou début tout court. Car, au fond, l’hésitation elle-même est un début de beauté.

 

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Ville Neuve | Film | Animation | Félix Dufour-Laperrière | CAN 2018 | 76’ | Cinéma Bellevaux Lausanne

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First published: September 13, 2019