Rewind & Play

Café critique à la Bildrausch Filmfest de Bâle : dans la discussion podcast, Nicolas Bézard, Jean Perret, Giuseppe Di Salvatore et Emilien Gür approfondissent les sujets du film d’Alain Gomis «Rewind & Play» (production : Olivier Legras)

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Rewind & Play | Café critique

Café critique à la Bildrausch Filmfest de Bâle : dans la discussion podcast, Nicolas Bézard, Jean Perret, Giuseppe Di Salvatore et Emilien Gür approfondissent les sujets du film d’Alain Gomis «Rewind & Play» (production : Olivier Legras)

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Tout play ne fait que cacher un replay. Cela vaut pour tout enregistrement, de la musique au cinéma. Le geste de rewind n’a alors que la fonction de révéler cette simple loi du médium, en toute sincérité. Voilà la perspective avec laquelle je veux lire l’opération de récupération et montage, de sélection et recadrage, dont le film d’Alain Gomis est fait. Il s’agit de démasquer le travail de manipulation de tout historien. En exhibant son dispositif, Gomis démasque d’abord son propre travail, et il nous en donne ainsi la clé de lecture, sans ambiguïté : il s’agit à son tour de démasquer le travail de manipulation du musicien-journaliste Henri Renaud, travail tortionnaire au détriment du pianiste jazz Thelonious Monk, réduit à un « bon sauvage », un génie incompris – si ce n’était pour l’intelligente intuition de Monsieur Renaud, lui-même pygmalion savant, qui seul saurait rendre justice à un art autrement brut. Le montage des images d’archives par Gomis radicalise la distance entre les deux protagonistes d’une interview mal tournée (nous sommes au 1969), dont les scènes off nous restituent toute la subtile attitude colonialiste d’une France en pleine décolonisation, cette attitude qui sait reformuler l’exploitation et le dénigrement (au sens littéral) dans la tonalité flatteuse du paternalisme.

Mais Rewind & Play n’est pas seulement un film douloureux, chargé de critique et de revanchisme ; il est également un film qui laisse parler l’art de Thelonious, dont les longs extraits musicaux constituent un bastion inexpugnable contre toute incompréhension et diminution. Le montage et la manipulation trouvent dans ces longues séquences une pause bénéfique : la critique négative cède à celle positive d’un jeu libre, joyeux, en constante fuite en avant (forward, not rewind). Dans ces moments, même si nous savons qu’il s’agit bien d’un replay, nous sentons toute la force d’un premier play, improvisé, aventureux.

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Rewind & Play | Film | Alain Gomis | FR-DE 2022 | 65’ | Bildrausch Filmfest Basel 2022

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First published: June 29, 2022