Capharnaüm

« Ton fils est mort avant d'être né. » Cinglante, cette affirmation lancée par Aspro, l'un des personnages malveillants de Capharnaüm, résume ce que l'œuvre déploie implacablement : le malheur et la pauvreté dans lesquels évoluent les enfants d'un bidonville de Beyrouth, et plus précisément un jeune de presque douze ans dénommé Zain, les réduisent à une existence misérable, destructrice et de hors-la-loi. Zain Al Rafeea interprète ce rôle avec une détermination déconcertante, qui signale sa propulsion précoce dans un monde et des préoccupations d'adultes. Le regard franc, presque méprisant, il agit sans exprimer le moindre doute et sa fierté l'empêche d'accepter l'aide de n'importe qui. Capharnaüm n'est donc pas un film misérabiliste, contrairement à l'affirmation de certaines critiques, même si les dernières minutes tendent vers le cliché larmoyant.

Afin de « traduire le cri » de ces enfants, Nadine Labaki filme avec une petite équipe, caméra à l'épaule, offrant ainsi une grande proximité avec ses personnages — joués par des réfugiés pour la grande majorité d'entre eux. L'impression d'une réalité saisie sur le vif émerge, en même temps que celle d'oppression, que l'absence d'horizon à l'intérieur de l'image, la forte présence des bidonvilles de chaque côté du plan renforcent. Les cadrages sont rarement frontaux, les décors jamais symétriques, comme s'ils révélaient de ce fait le chaos de la situation.

Condamné pour meurtre, Zain intente un procès à ses parents. Au tribunal, un long flash-back vise à identifier les motifs qui l'ont poussé à commettre cet acte criminel. Les premières séquences confrontent alors le point de vue objectif de la justice à celui d'individus qui n'ont pas les moyens matériels d'agir moralement — à l'exception de Zain, qui ne faillit pas à ses principes et dont toutes les mauvaises actions sont justifiées, ce qui semble moins témoigner d'un reflet de la réalité que d'une volonté de toucher le spectateur. Malgré un montage trop haché, empreinte peut-être de la première carrière de Nadine Labaki dans les clips musicaux, Capharnaüm n'en demeure pas moins une œuvre très réussie, portée par d'excellents acteurs et qui refuse une représentation spectaculaire de la violence.

 

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Capharnaüm | Film | Nadine Labaki | LB-FR 2018 | 126’ | Zurich Film Festival 2018, Human Rights Film Festival Zürich 2018

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First published: January 17, 2019