Derrière nos yeux

Après sa sélection au Festival international de cinéma de Marseille (FIDMarseille), Derrière nos yeux, un film sensuel et méditatif d’Anton Bialas, arrive à Nyon. Trois hommes, trois regards, auxquels le cinéma du jeune réalisateur se plie, se mêle, dans un geste empathique où la caméra s’approche sans hésitations des trois sujets. Sujets, justement, points de vue, et non pas objets, objets d’enquête : Bialas nous montre moins leur corps que leur être corps, moins leurs mouvements que le tracé de leurs pérégrinations, moins leurs regards que leur façon de regarder. Paris devient alors un paysage sans repères, englouti dans la perception solitaire et déconnectée des trois hommes, lesquels se connectent plutôt aux éléments naturels, pierres, feuilles, arbres, puis le vent et, surtout, la vibration de la lumière. Plus d’une fois, le réalisateur saisit l’occasion de laisser apparaître le soleil à l’écran, ou bien sa lueur : peut-être car dans le parcours d’accompagnement de ses trois personnages il y va toujours d’une quête d’éclairs, dans l’air comme dans l’âme des hommes. Et ce jeu de réverbération entre personne et environnement se mesure également dans un montage qui alterne rapprochements et éloignements, musiques décalées et bruits ambiants. Avec cette respiration, la piste sonore renvoie à un style filmique qu’on appelle désormais « cinéma haptique ». Plus qu’une question de regard — devant, dedans ou derrière nos yeux — il semble être question de surface, et de sa « profondeur insignifiante », pour ramener une pensée de Paul Valéry (L’idée fixe) : « Et que faire, dans un ordre de grandeur où il ne peut plus être question d’images ? […] Si les choses ont un fond, ce fond des choses ne ressemble à rien […]. La similitude s’évanouit. […] La profondeur est insignifiante. » À nous de l’entendre comme une leçon de cinéma…

 

Info

Derrière nos yeux | Film | Anton Bialas | FR 2018 | 46’ | Visions du Réel Nyon 2019

More Info and Trailer  

First published: April 18, 2019