Répertoire des villes disparues

Une voiture s’écrase à toute vitesse dans un mur, des enfants-fantômes masqués jouent dans la campagne enneigée. Dans le cadre d’un village isolé de 250 habitants au Canada, ces premières images donnent le coup d’envoi de ce qui restera pour longtemps deux fils narratifs parallèles : Simon, son suicide et les deuils individuels et collectifs d’une part, et les silhouettes mystérieuses qui apparaissent dans les maisons et dans la campagne autour du village d’autre part. Pour Denis Côté, c’est l’occasion de toucher le thème de la lente disparition des villages, et ainsi d’effleurer la question de ce qui soude une société, entre traditions et ennui, orgueil et marginalisation.

Pour une bonne partie de Répertoire des villes disparues, le registre psychologico-existentiel prime largement ; le genre « film de zombies » se limite ainsi à un prétexte pour faire émerger la présence des morts comme le memento d’une collectivité qui risque de s’oublier. L’apparition toujours silencieuse et jamais menaçante des silhouettes mystérieuses génère peu de peur et fonctionne plutôt comme une invitation à réfléchir, voire comme un réconfort, une compagnie — ainsi que le formule la mère de Simon. Il n’y a pas de frémissement et peu d’émotions qui ne reviennent pas au deuil ou à l’ennui. Le film s’impose donc comme une méditation sévère sur l’individu et sa relation à la société.

Puis, dans la deuxième partie du film, les apparitions se multiplient en impliquant très vite toute la communauté du village, jusqu’à se révéler être un phénomène d’ampleur nationale. De cette façon, les zombies passent du rôle d’instrument au service du drame psychologique au rôle de figure explicitement métaphorique par rapport au sujet social du film. Bref, la transcendance de l’inouï propre au genre fantastique — avec son apparat habituel de peur-attraction — n’arrivera jamais à prendre forme dans notre expérience. Le rendez-vous avec la transcendance restera un rendez-vous manqué, donnant à Répertoire des villes disparues une tonalité objective, factuelle, en tout cas jamais véritablement sinistre.

 

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Répertoire des villes disparues | Film | Denis Côté | CAN 2019 | 97’ | NIFFF 2019

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First published: July 17, 2019