Alberto Gonzalez Morales | Les dieux du supermarché

«This is what a real man looks like, not like you, fucking bitch!»

Alberto Gonzalez Morales a réalisé Les dieux du supermarché en première année de Bachelor Cinéma à la HEAD – Genève, lors d’un atelier sur le net-footage encadré par le duo français Caroline Poggi et Jonathan Vinel. « Nous devions réaliser un court-métrage avec comme seules contraintes de traiter du thème du portrait et inclure une adresse en sous-titres ou en voix-off », m’écrit-il.

Les dieux du supermarché entremêle des vidéos trouvées sur YouTube, des images recherchées par mots-clefs et des extraits de films pornographiques. Le tout s’articule au moyen de la voix d’Alberto Gonzalez Morales, qui nous partage ses questionnement intimes concernant la représentation des corps masculins.  « En tant qu’homme cisgenre homosexuel, la perception de mon propre corps et celle que j’ai du corps des autres hommes est très formatée par la publicité, la mode et la pornographie ». L’essai d’Alberto Gonzalez Morales aborde la frustration face à la puissance qu’exercent ces images sur son identité et ses désirs. Il y raconte l’impression constante de devoir ressembler à ces corps mais aussi la difficulté à trouver un autre type de corps attirant.

« Je voulais exprimer une opinion plutôt nuancée quant aux questions d’image corporelle. Je comprends totalement le mouvement body positive, mais il est difficile de changer de paradigme quand on a été formaté à éprouver de l’attirance pour un certain archétype ». Le film d’Alberto Gonzalez Morales ne se positionne pas contre ce corps masculin idéal, mais il observe l’impact de sa surreprésentation. Nos désirs n’existent pas dans le vide, ils sont façonnés par les systèmes d’images dans lesquels nous nous construisons. Aussi sont-ils complexes à déconstruire.

Au milieu du court-métrage, on trouve une scène étonnante où un poème d’Andrew Macmillan est chuchoté sur des images pornographiques. « Je ne connaissais pas Andrew Macmillan jusqu’à ce projet. Je voulais intégrer de la poésie dans mon court-métrage et c’est en cherchant des textes traitant d’homoérotisme que je suis tombé sur son travail ». Le texte est ici associé à des images pornographiques redécoupées, afin de mettre en avant les corps plutôt que les actes. Le dispositif permet une réappropriation poétique du régime d’images dominant et nous invite à le regarder autrement.

Bien que l’on parle beaucoup – et à juste titre – d’un regard masculin et de représentation de corps féminins, la question de l’objectification dépasse le genre des personnes présentes de chaque côté de la caméra. Les dieux du supermarché montre que c’est notre rapport aux personnes que l’on désire qui se retrouve tronqué par cette imagerie omniprésente. Ces modes de représentations nous poussent à regarder les corps comme des objets de désir, plutôt que des personnes avec une subjectivité propre.

« Tu n’avais pas choisi de te présenter comme ça, et je n’avais pas choisi de te regarder »

Alberto Gonzalez Morales a choisi de s’adresser à ces images comme à une personne. Avec beaucoup de tendresse, il recrée un lien de subjectivité à subjectivité dans le matériel audiovisuel. Il tisse par la même occasion un lien intime avec le-la spectateurice. « À la sortie des projections en festival, je reçois des commentaires très encourageants de personnes qui saluent mon courage ou qui me remercient d’avoir parlé d’un sujet auquel ils s’identifient. Cela me donne l’envie de continuer à faire encore plus de films ». Alberto Gonzalez Morales s’apprête à entamer sa troisième année à la HEAD où il se spécialise en son. Il s’intéresse également à la réalisation et souhaite continuer d’aborder les thèmes de la discrimination et des conflits personnels au sein de la communauté LGBTQIA+.

 

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Alberto Gonzalez Morales | Bachelor de Cinéma – HEAD Genève

Les dieux du supermarché | CH 2022 | 8’

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First published: September 10, 2023