Visions du Réel Nyon 2025

Filmer le réel avec une caméra Bolex, et dans le réel des personnages qui ne sont pas des acteurs est un sport délicat au vu de la contrainte des 30 secondes par prise et le prix du film et de son développement. Mais les contraintes peuvent également constituer une ressource, de concentration et d’inspiration, comme le témoigne l’excellent travail de Jean-Baptiste Mees dans son portrait du restaurant Corvette, à Montréal. La communauté spontanée qui se forme autour de ce lieu de rencontre à l’abri des nouveaux trends est célébrée en tant que symphonie d’individualités et de liaisons, dont Mees sait cueillir la respiration. Une balance parfaite entre images proches, jusqu’à de véritables portraits, et explorations de l’environnement, de l’architecture lumineuse du restaurant, jusqu’aux éléments météorologiques qui résonnent avec lui. Il y a également une balance parfaite entre moments de découverte et de contemplation, donc d’intensité et de relâchement narratif (montage de Nicola Bergamaschi), qui tissent un récit poétique où le Corvette apparaît en tant que refuge, oasis, et surtout en tant que vaste territoire humain. Grâce à une piste sonore qui en restitue la sensualité et la fragilité, nous sentons que ce lieu précieux qui sait réunir les personnes, ou simplement accueillir leur solitude, résiste comme une exception dans la grille urbaine de la métropole canadienne fortement gentrifiée. Et le chant poétique devient geste politique. Ce film est un éclat d’humanité. Une perle rare. GDS

Jean-Baptiste Mees | FR 2025 | 45’
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On le sait, le cinéma est fait d’un enchaînement de photogrammes. Et si sa source esthétique était le tableau et non pas la photographie ? Voilà ce que Carmen Ayala Marin et Alberto Martin Menacho démontrent dans leur brillant essai filmique The Essay. Un fameux tableau espagnol et sa composition de clichés du monde gitan est le moteur de ce court-métrage tourné en collaboration avec un atelier de théâtre dans une communauté gitane au sud de l’Espagne, où des enfants s’approprient et remettent en cause la représentation de leur communauté par une autoreprésentation joyeusement manipulatoire et donc libératoire. Mais le tableau est aussi un modèle formel pour les réalisateur.rices, qui travaillent l’image en mouvement par un choix minimaliste et soigné de compositions de scènes peu nombreuses mais significatives. Filmer devient une mise en scène qui s’exhibe en tant que mise en scène – en mélangeant documentaire et fiction. The Essay est un essai où le cinéma, comme dans un tableau, est principalement une réflexion sur l’acte de montrer, et moins l’occasion de suivre une action. GDS

Carmen Ayala Marin, Alberto Martin Menacho | ES-CH 2025 | 12’
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Is history an invention? With archival photographs and documents, Evi Stamou submits this non-inventive evidence to several artificial intelligence engines, in order to reconstruct and tell the history of her father. This is also the occasion to shed light on a politically delicate epoch of Greek history, between the dictatorship and the emancipatory movement of a poor and patriarchal society. AI, given the task of animating Stamou’s non-filmic material, seems particularly fitting for filling the informative gaps concerning the life in the countryside, to tell the stories of unknown, normal people (as if it would vindicate the spirit of French Annales school). However, a dialogue between the AI voice and the filmmaker, who adroitly delivers her evidence piecemeal, will reveal the fictional truth of the AI version of history, often built on general contextual information and probabilistic assumptions that cannot avoid neglecting the specific paths of individuals in favour of a reduction to a sort of average man. Evi Stamou’s experience, playfully showing her own manipulations, challenges AI abilities in order to underline its limits and its ultimately dangerous overevaluation. A sceptical pamphlet, in the form of a brilliant essay. GDS

Evi Stamou | FR 2025 | 25’
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Anna Joos widmet sich in Niederurnen, GL – Malo Vento einem dunklen Kapitel der Schweizer Industriegeschichte, das lange unter den Teppich gekehrt wurde: dem Asbestskandal von Niederurnen im Kanton Glarus. Mit eindrucksvollem, sorgfältig recherchiertem Archivmaterial und eigenen 16-mm-Aufnahmen verwebt sie Vergangenheit und Gegenwart in einer gelungenen, von ihr selbst verantworteten Montage zu einem atmosphärisch dichten Film.
Auf der Tonebene erzählen ehemalige italienische Arbeiter und ihre Familien von einem Alltag, in dem die unsichtbaren Asbestfasern noch immer präsent sind. Viele sind in der Schweiz an den Folgen gestorben, andere warten bis heute auf richterliche Entscheide. Der Film zeigt eindringlich, wie Profitgier, das bewusste Verschweigen gesundheitsschädlicher Tatsachen und das Wegschauen von Entscheidungsträgern in der Schweiz bis 1989 zur Normalität gehörten – legitimiert durch Macht und System.
Joos findet eine filmische Form, die zum Mitdenken anregt. Die sensibel inszenierten Porträts der Betroffenen, die intime Nähe in ihren Wohnräumen und die lange Tarantismus-Szene am Schluss – begleitet von einem eindringlichen Gebet – verleihen dem Film eine poetische Tiefe und fordern Erlösung. Die Bilder und Stimmen hallen nach. Es bleibt die Hoffnung auf Gerechtigkeit für die Vergangenheit – und auf atembare Luft für die Zukunft. RB

Anna Joos | CH 2025 | 18’
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Ewelina Rosinska’s film is striking due to the iconicity of the images. Her Bolex camera makes a sketchy portrait of the Portugal territory, of the mineral dimension which, somehow enhanced by the grain of the analogue image, is only the starting point of a journey that freely connects known examples of Portuguese megalithism with varied fauna, an open landscape with people. The insistence on iconic details creates a heterogenic discourse where we can get lost, but Unstable Rocks is one of these mosaic films that one can appreciate even after its end. Then, its impression will be engraved in us, intense and precise, and convey the clear feeling of the living interconnectedness of animals, plants and minerals, one where the presence of human beings is deeply questioned. GDS

Ewelina Rosinska | DE-PT 2024 | 25’ | Doc Alliance Selection
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Sepideh Jamshidi Nejad’s Within the Sun is more than an observational piece about the struggle, the working conditions, and the pride of a group of old Iranian women collecting salt in an open mine. The insistence on their repetitive doing lets emerge a Sisyphean, existential motive, that is made stronger by a surprising end that emotionally points out how work can saturate life, for better or for worse. GDS

Sapideh Jamshidi Nejad | IRN 2025 | 28’
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In Saarlotta Virli’s Memories Move like Distant Islands, a scientific and personal perspective superpose in attempting to perceive moving islands, which work as a destabilising agent for experience and knowledge. The film editing creates a prismatic object where memories are simultaneously gathered and scattered. GDS

Memories Move like Distant Islands | Saarlotta Virri | FIN 2025 | 29’
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