Zone rouge
Text: Giuseppe Di Salvatore

Une maison et une rencontre d’anciens camarades d’école : le parfait setting cinématographique pour un drame fait de règlements de compte, de secrets qui remontent à la surface, de traumatismes qui ne peuvent pas être soignés. Pour Zone rouge, Cihan Inan utilise abondamment le procédé de l’allusion significative, qui s’applique aux objets, aux phrases, aux gestes, quelquefois en alourdissant un Kammerspiel qui cherche à tout prix le suspens. Chaque élément du scénario renvoie aux morceaux cachés d’un puzzle qui renvoie lui-même à une « zone rouge » indéterminée où crime, perversion et sexe se proposent d’exercer leur force d’attraction. Cette dramaturgie du renvoi se nourrit d’un dispositif que j’oserai qualifier de wagnérien, car tout pic dramatique se trouve systématiquement suspendu et retardé. À ce dispositif particulier, l’excellent montage de Kaya Inan se prête avec bravoure : il s’agit souvent d’un montage dynamique, donc bien visible, qui pousse le spectateur à devenir presque le dernier acteur sur scène.
La katastrophè finale, par contre, ne me semble pas être à la hauteur des prémisses séductrices et des promesses scabreuses de l’histoire. Le drame se dégonfle en nous laissant une sensation de fatigue, après nous avoir fait suivre un dispositif attirant mais également compliqué. Plus que pour l’histoire dans son ensemble et dans ses significations, Zone rouge nous restera gravé dans la mémoire surtout pour son style. Un style qui se nourrit d’une sensibilité aiguë et fortement poétique aux détails, pour laquelle la caméra de René Richter mérite vraiment beaucoup de louanges. En faisant preuve d’intelligence et de finesse à la fois, cette caméra aux perspectives toujours expressives s’allie à la performance incisive d’un casting fort convaincant. Malgré une écriture peut-être plus théâtrale que cinématographique, les acteurs démontrent, par exemple, une grande maîtrise des silences, qui d’ailleurs constituent un Leitmotiv important de ce drame en huis clos.