Wildlife

Leurs styles sont très différents, mais le premier film où Paul Dano se place derrière la caméra présente une histoire dont la trajectoire inexorablement descendante me fait penser au grand The Swimmer de Frank Perry (1968). En commun, ces deux films ont également une collaboration “matrimoniale” à leur écriture — Perry avec son Eleanor, Dano avec Zoé Kazan —, et surtout un sens tout américain de l’histoire, qui se trouve élevée à un registre épique, où les personnages sont mis en avant comme s’ils étaient des monuments parlants capables de résumer toute une époque. En effet, Carey Mulligan, Jake Gyllenhaal et le jeune Ed Oxenbould — une découverte convaincante — assument une fonction symbolique en incarnant les figures prototypiques de, respectivement, la mère, le père, l’enfant.

Dans un récit très bien monté — il s’agit d’une adaptation du roman du même titre de Richard Ford (1990) — le drame familial se déroule en passant de la représentation du modèle idéal et stéréotypé de la famille à une analyse de ses dynamiques, qui devient bientôt déconstruction voire destruction. Les coups de scène se succèdent habilement dans une atmosphère qui souvent demeure étrangement calme, où les moments de grande tension sont exprimés plus par les silences et le choix des plans que par les mots. Dans ces moments, il est presque toujours question d’action : faire une erreur, omettre, prendre l’initiative, se décider, partir, céder, revenir.

Grâce également à une performance superbe des acteurs, ce film assez mûr pour un réalisateur qui en est à sa première expérience se révèle alors non seulement une réflexion sur la famille américaine, tiraillée entre pressions sociales et pulsions individualistes, mais aussi une démonstration cinématographique de la centralité de l’action, au sens de l’acte, du geste, avec ses hésitations et donc sa force, qui peut s’avérer incontrôlable et destructrice.

 

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Wildlife | Film | Paul Dano | USA 2018 | 104’ | Zurich Film Festival 2018

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Screenings in June-July 2019 at Kino Cameo Winterthur and Stattkino Luzern 

First published: December 20, 2018