Silent Trilogy

Collection de courts-métrages hivernaux pour printemps tardif. Sortis début avril, Silent Trilogy (Les contes de Kokkola), modeste hommage au cinéma des premiers temps, prolonge la saison de la nuit et du froid que le réalisateur finlandais Juho Kuosmanen, révélé par son deuxième long-métrage Compartiment nº6, ne connaît que trop bien. Mais la tendre mélancolie qui imprègne ces trois films muets fait chaud au cœur. À travers des images filmées en pellicule noir et blanc, le cinéaste raconte les déboires d’un vieil homme chassé de sa maison promise à la démolition, les tribulations burlesques d’un frère et d’une sœur producteurs d’une liqueur prohibée, et le voyage en fusée vers l’au-delà d’une gardienne de phare à la recherche de son frère décédé. Ce peuple de marginaux vit dans la bourgade finlandaise de Kokkola, lieu d’origine du réalisateur et terre d’adoption de l’ingénieur du son et bruiteur Heikki Kossi, qui signe la délicate atmosphère sonore de ces contes imperméables au langage parlé – à l’exception d’une scène de chant dans un bar, dont la grâce spleenétique devrait parler à tous les rôdeurs de nuit.

Joyeux bricolages un peu vains, les trois films sont portés par des acteurs non professionnels locaux. D’une singularité tout ordinaire, ces indigènes aux physiques non normés donnent corps à la poésie surréaliste des courts-métrages, à mi-chemin entre l’humour réservé d’un Aki Kaurismäki et les excentricités formelles d’un Guy Maddin. Le jeu des influences va au-delà des hommages à ces cinéastes sexagénaires, puisque le second court-métrage du triptyque constitue un impossible « remake » du premier film de fiction finlandais réalisé (The Moonshiners, 1907), disparu sans doute à jamais. Aussi ludique qu’il soit, cet habile système de références n’invente rien qui soit de nature à renouveler le cinéma. Ce qui n’est certainement pas l’ambition de ces exercices de style dont l’agréable futilité est de loin préférable à bien des cabotinages auteuristes. Rien de nouveau sous le soleil la neige, donc, mais cette dernière a un savoureux goût de poudreuse.