Miséricorde
[…] Pleins de questions sans réponses, nous découvrons lentement la trame qui relie les personnages et le mal qui se cache dans le présent et le passé de chacun. Dramaturgiquement, le scénario de «Miséricorde» bouge avec la virtuosité d’une série.
[…] Ce film solide, compact, agréable, est également capable de peindre avec authenticité la réalité des réserves indiennes et de leur tension constante avec la communauté blanche.
Text: Giuseppe Di Salvatore
Les scènes initiales de Miséricorde nous fournissent peu d’informations, et l’on suit les mouvements de Thomas, un Suisse qui s’apprête à rentrer de vacances au Canada, par sympathie. Sans hésitations, Thomas décide de ne pas prendre son avion pour enquêter sur le camion en fuite qui a renversé et tué le fils d’une femme indienne qu’il connaît à peine. On ne peut pas imaginer pourquoi. Mais c’est tout le jeu de ce film, qui se complaît dans le suspense. Pleins de questions sans réponses, nous découvrons lentement la trame qui relie les personnages et le mal qui se cache dans le présent et le passé de chacun. Dramaturgiquement, le scénario de Miséricorde bouge avec la virtuosité d’une série.
Ainsi, ce qui ressemble à un road movie et à un policier devient une enquête psychologique, presque intimiste, qui se noue autour de la question de la faute, quasiment toujours involontaire, mais qui toujours pèse, lourdement, sur les âmes de presque tous les personnages. Oui, parce l’histoire de Thomas se démultiplie dans les histoires des autres personnages, où l’on découvre toujours plus de correspondances, et devient ainsi une histoire chorale, aussi grâce à un montage de qualité. En effet, même si vers la fin du film l’évolution vers l’aveu et le pardon devient un peu prévisible, la qualité de l’image, du tempo, des acteurs, de la musique, tout contribue à renforcer une histoire magnifiquement écrite par Antoine Jaccoud, qui a repris le travail entamé par le regretté Pier-Pascal Rossi — auquel le film a été dédié.
Ce film solide, compact, agréable, est également capable de peindre avec authenticité la réalité des réserves indiennes et de leur tension constante avec la communauté blanche. Isolement et exclusion, alcool et chômage, mépris et soupçon : le film de Fulvio Bernasconi jette une lumière réaliste et humaniste sur les diverses “fautes” qui caractérisent la condition des Indiens, faisant ainsi un pas décidé vers un aveu qui dans le Canada de nos jours demeure souvent inexprimé. Quant au pardon ou, pour mieux dire, à une miséricorde qui prend en charge la souffrance commune et suspend tout jugement, c’est au film, pour l’instant, d’en dire le dernier mot.
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