Michael Koch | Drii Winter

Filmexplorer konnte Michael Koch bei der Basler Premiere des Films im KultKino treffen und mit ihm Uber den Entstehungsprozess von «Drii Winter» diskutieren (Interview auf Deutsch).

[…] Oui, c’est dans les pauses et les fissures qu’il faut chercher le cœur battant de «Drii Winter».

[…] C’est un coup de génie de la part de Michael Koch d’avoir explicitement joué le registre de la tragédie grecque dans les montagnes du canton d’Uri.

[…] «Drii Winter» est le travail d’un réalisateur qui sait que la beauté d’un plan tient à l’emplacement de la caméra, à la trajectoire de la lumière et au moment où l’on coupe – ces quelques détails par lesquels les cinéastes transfigurent le réel, qui ne demande pas mieux.

On n’aura jamais fini d’explorer la relation entre hommes et pierres, là où l’humanité touche à ses limites vitales et devient puissance immobile, là où la culture est tellement sédimentée qu’elle n’ose plus évoluer, là où le futur s’avère être un destin nécessaire. Mais là aussi où l’humanité est admirée dans sa grandeur majestueuse, dans le vertige de son noyau le plus transcendant. C’est cette relation entre hommes et pierres qui anime en secret le film de Michael Koch et rend ses pauses et ses fissures vibrantes. Les hors champs récurrents et la piste sonore qui les structure – musique comprise – tissent un réseau de résonances entre hommes et pierres, entre société et paysage, entre culture et nature : quelquefois de l’harmonie, dure comme une pierre, quelquefois de la distance, où les hommes se perdent. Oui, c’est dans les pauses et les fissures qu’il faut chercher le cœur battant de Drii Winter (A Piece of Sky), c’est là qu’on ressent la voix de la montagne, le silence des hommes, et surtout l’espoir et le désespoir de Marco et Anna, unis, séparés, puis réunis sur l’arc narratif d’une chute qui est exclusion et isolement.

C’est un coup de génie de la part de Michael Koch d’avoir explicitement joué le registre de la tragédie grecque dans les montagnes du canton d’Uri. Si la Suisse cinématographique a privilégié pour ses montagnes et ses habitants le cliché idyllique d’une société pure dans une nature pure – selon l’adagio puissant qui depuis Les Alpes d’Albrecht von Haller structure l’identité de la Suisse elle-même – ou bien la recherche de l’Autre, la bestialité, le morbide – selon un cliché complémentaire issu de la culture urbaine – Drii Winter tente et réussit un registre bien plus universel, malgré l’ancrage reconnaissable de la vallée d’Isenthal. Et d’universel il sait cueillir le double sens de la bienveillance propre aux sociétés nécessairement coopératives comme celles des communautés de montagnes : entre-aide, d’un côté, et intolérance pour le différent (et le malade), de l’autre ; ces deux côtés constituent une vérité douce-amère qui trouve dans l’histoire de Marco et Anna, et leur communauté, un exemple paradigmatique, digne d’une fable. Une fable aux tonalités documentaires.
Giuseppe Di Salvatore

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Anna aime Marco, Marco aime Anna et ainsi va la vie, quelque part dans les Alpes suisses où il gagne son pain comme ouvrier agricole, elle le sien comme employée de poste et serveuse de bar. Et puis, un jour, c’est le drame. Auparavant, on a vu Marco se fissurer de l’intérieur : tumeur, hospitalisation, perte de contrôle, pour arriver à cette scène où la sœur d’Anna le surprend en train de toucher son sexe devant sa fille. L’homme est mis au ban de la société villageoise, mais l’amour reste l’amour et Anna continue à veiller sur Marco de loin. Elle seule comprend qu’en cette heure fatale où fut commis l’irréparable, c’est la maladie, et non l’homme, qui agissait. Pensée vaguement consolatrice pour affronter ces années qui passent, douloureuses et vides, où le couple d’autrefois vit dans la désunion.

Voilà tout ce que raconte Drii Winter, et c’est déjà beaucoup. La puissance sidérante du film ne tient pas seulement à la force de son récit, mais aussi et surtout à la croyance sans faille de Michael Koch dans le cinéma, cette chose plus grande que la vie. Comment expliquer, sinon, la beauté de cette œuvre à la fois sensuelle et âpre comme les montagnes, comparaison trop facile pour un film qui ne l’est pas alors même qu’il donne l’impression de baigner dans l’évidence. Drii Winter est le travail d’un réalisateur qui sait que la beauté d’un plan tient à l’emplacement de la caméra, à la trajectoire de la lumière et au moment où l’on coupe – ces quelques détails par lesquels les cinéastes transfigurent le réel, qui ne demande pas mieux. Le tout est affaire de technique et de sensibilité, autrement dit de mise en scène.

Une preuve d’amour et de cinéma

« Crois-tu en Dieu ? », demande la fille d’Anna à Marco, qui lui retourne la question. « Je crois au soleil », répond-elle, et dans ces mots il faut entendre la profession de foi d’un cinéaste qui sculpte la lumière comme peu d’autres savent le faire. Qu’il s’agisse d’un rocher solitaire, d’une peau effleurée par une autre ou d’une vache qui pisse dans un pré : tout existe avec le même degré d’intensité dans Drii Winter, et l’amour que porte Michael Koch à ses sujets est inconditionnel. Marco a beau perdre prise sur la réalité, Anna s’isoler du reste du monde, rien n’entache l’affection que leur porte le cinéaste, laquelle se déclare dans une des plus belles scènes qu’on ait vues. Derrière le bar où elle fait son service, Anna remplit les verres de clients que la caméra dévoile dans un lent mouvement qui se prolonge jusqu’à la table où Marc attend Anna, qui finit par le rejoindre. Michael Koch filme leur étreinte avec une douceur qui est à la fois, pour citer Pedro Costa reprenant Cocteau, une « preuve d’amour » et une « preuve de cinéma ». L’espace d’un instant, l’univers entier est suspendu à la tendresse de ces gestes, à la lumière qui les enveloppe comme une caresse. S’il n’existait pas déjà, cette scène signerait à elle seule l’invention du cinéma.
Emilien Gür

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Sur le processus de création de Drii Winter, Filmexplorer a pu retrouver Michael Koch à la première bâloise du film au KultKino (en haut l'interview vidéo).

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Info

Drii Winter | Film | Michael Koch | CH 2022 | 137’ | Locarno Film Festival 2022, Solothurner Filmtage 2023 | Special Mention at the Berlinale 2022, Official Swiss Candidate at the 95th Academy Awards

 

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First published: September 09, 2022