MaXXXine

[…] Les enjeux moraux déjà présents en lame de fond dans les volets précédents prennent avec «MaXXXine» et la pression de cette Amérique du Nord puritaine un nouveau sens.

[…] C’est avant tout un hommage que rend Ti West aux Hollywood des années 1980.

« Il te faut assumer les conséquences de tes actes Maxine » : c’est en substance ce qui est répété à l’héroïne du dernier volet de la trilogie de Ti West. Après X, sorti en 2022, et Pearl, filmé et sorti en toute discrétion la même année, la trilogie du réalisateur américain se conclut avec MaXXXine. Plaçant cette fois Maxine Minx en 1985, l’ancienne star du cinéma pornographique essaye de se faire une place sur le grand écran hollywoodien, alors que les fantômes de son passé viennent la hanter.

Alors que les opus précédents s’inspiraient librement des codes du slasher, du thriller ou encore des premiers films en Technicolor, Ti West puise cette fois dans les genres qui ont fait la gloire des 80’s. Maxine, au fil des décors hollywoodiens qu’elle traverse, peut ainsi passer du Giallo au Western, du film policier au film de superhéros car quand elle se décide enfin à prendre les devants et affronter ses démons, elle se fait superhéroïne. Prête à en découdre, c’est pour le bien de tous (ou plutôt de toutes), qu’elle enfile son maquillage et part à la chasse du mystérieux tueur au Fédora et aux gants de cuir qui terrorise Hollywood. Alors que le public américain s’insurge contre la légèreté des mœurs du grand écran et espère purger les restes du cinéma d’exploitation, le tueur « nettoie » les rues de Los Angeles en s’en prenant à d’anciennes actrices de films X, toutes reliées à Maxine.

Les dangers de la recherche du succès ou de la célébrité ainsi que des personnages punis pour leur vanité : les enjeux moraux déjà présents en lame de fond dans les volets précédents prennent avec MaXXXine et la pression de cette Amérique du Nord puritaine un nouveau sens. Le parcours de Maxine devient alors celui de la rédemption. Un parcours initiatique bienvenu pour la protagoniste, mais qui reste malheureusement le seul enjeu concret d’un récit qui peine à décoller. Qu’à cela ne tienne ! Si le scénario manque de convaincre pleinement par sa platitude, d’autres facettes du film offrent des entrées à un univers qui, lui, reste richement fourni.

C’est avant tout un hommage que rend Ti West aux Hollywood des années 1980. Des devantures de saloon tout droit sorties d’un film de Clint Eastwood à la mythique maison de Norman Bates, le réalisateur ne prend pas la peine de détourner ses références. Alors qu’un grand soin était pris à pasticher les genres représentés dans X et Pearl, difficile de comprendre depuis le siège de spectateur·trice pourquoi Ti West propose avec MaXXXine un point de vue « premier degré » face à ses inspirations. On pourrait bien sûr accuser à premier abord la lassitude ou le manque d’idées originales pour justifier cette approche, mais ça ne serait pas rendre justice à la cohérence du film, persévérant dans son dispositif maîtrisé. Dès lors, la question de ce choix subsiste. A la manière d’un Once Upon a Time… in Hollywood, c’est pour atteindre un discours plus émotionnel que MaXXXine dresse en toile de fond ses références.

Ti West aurait pu clôturer sa trilogie par un nouvel opus à la formalité virtuose – il prouve d’ailleurs sa maîtrise en plaçant çà et là des indices reliant les trois films. Il se risque toutefois à une recréer une vision plus crédule de ses idoles hollywoodiennes, s’abaissant avec humilité au rang d’admirateur devant un cinéma qu’il aime. Car si une chose est sûre, c’est l’amour qui se dégage de la mise en scène. Si, dans cette lettre d’amour qu’il adresse au cinéma des années 1980, quelques phrases sont empreintes de naïveté, la nostalgie qui s’en dégage nous fait bien vite pardonner à Ti West de pas avoir pris un pas de recul supplémentaire.

Bien que les amateur·trice de slashers ne trouveront certainement pas leur compte dans ce dernier volet, les rares scènes gores, bien qu’efficaces, restant très éparses, les afficinados de l’univers de Ti West seront conquis·es. Malgré l’absence d’ambition scénaristique, MaXXXine espère bien surprendre par l’originalité de ses (auto-)références. Un virage pour Ti West avec un film certes moins radical qu’à son habitude, mais à l’ambiance plus sombre et au pouvoir évocateur plus prononcé. Reste à attendre les prochains projets du réalisateur pour savoir s’il s’agissait avec MaXXXine d’un nouveau cap ou simplement d’un courant d’air frais au cœur de sa cinématographie.

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MaXXXine | Film | Ti West | USA-UK 2024 | 103’ | Neuchâtel International Fantastic Film Festival 2024

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First published: July 14, 2024