L'exception burkinabé | Vivre riche | Wallay
[…] Entre le modèle statique de la famille et le dynamisme précaire et prédateur des petits travaux de fortune, l’absence d’une dimension constructive dans la vie apparaît à la fois comme une dénonciation politique et un hymne à la joie de vivre.
[…] Après une première fascination “européenne” pour les anciennes traditions rurales, ce film, dont l’attitude moralisante marque l’intention de s’adresser également à un public jeune, puise dans les valeurs humanistes les plus sincères pour trouver le difficile point d’équilibre entre deux identités africaines si éloignées l’une de l’autre, celle de la campagne africaine et celle de l’urbanisation européenne.
Text: Giuseppe Di Salvatore
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Ci-haut le podcast de la table ronde du 21 janvier 2018 au festival Black Movie à Genève, avec Berni Goldblat, Joël Akafou et Michel Amarger.
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Y a-t-il une exception burkinabé du cinéma ? Depuis son inauguration en 1969 à Ouagadougou, le Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou (FESPACO) a certainement fait de la capitale burkinabé un des pôles les plus importants du cinéma africain, jusqu’à pousser ce petit État à se doter de structures de production et d’une petite industrie cinématographique dénommée Ouagawood. Or, le grand effort international de sauvetage et de rénovation du cinéma Guimbi à Bobo-Dioulasso, deuxième ville du Burkina Faso avec un million d’habitants, peut servir de nouveau moteur au cinéma burkinabé, qui se veut depuis toujours un cinéma panafricain.
Au festival Black Movie de Genève, la présence de deux films coproduits au Burkina Faso a été l’occasion de relancer la discussion (écoute ci-haut le podcast du débat à Genève) sur les potentialités du cinéma africain, qui a été récemment galvanisé par le succès d’un film comme Félicité d’Alain Gomis (ici l’article de Filmexplorer), Grand prix du jury (Ours d’argent) à la Berlinale 2017. La particularité de ce dernier film souvent cité dans le débat genevois fut aussi certainement l’expérience de collaboration interafricaine, entre Sénégal et Congo, qui constitue un exemple appelé à faire école.
Et l’un de deux films présentés à Genève est justement issu d’une collaboration entre le Burkina Faso et la Côte d’Ivoire : c’est le documentaire Vivre riche de Joël Akafou, qui a déjà gagné le Sesterce d’or du meilleur moyen métrage au festival Visions du réel 2017 à Nyon. Le film suit la vie d’un groupe de jeunes ivoiriens dans le milieu urbain d’Abidjan, pour lesquels la jeunesse et le succès économique sont pensés sous le signe de l’exploit et de la victoire, mais également de l’ostentation et de la dépense, révélatrices d’un manque profond de perspectives. Entre le modèle statique de la famille et le dynamisme précaire et prédateur des petits travaux de fortune, l’absence d’une dimension constructive dans la vie apparaît à la fois comme une dénonciation politique et un hymne à la joie de vivre.
De la documentation du milieu urbain contemporain, on passe à un tout autre registre avec le film Wallay de Berni Goldblat (qui a été également un des producteurs du film Vivre riche) : il s’agit ici d’une histoire-fable réaliste et métaphorique à la fois, qui met au centre la confrontation et la rencontre de deux cultures africaines, celle de la migration européenne et celle des traditions régionales en Afrique. Malgré le recours à quelques clichés qui rendent la narration parfois un peu prévisible, Goldblat réussit à garder une certaine neutralité vis-à-vis de cette confrontation. Après une première fascination “européenne” pour les anciennes traditions rurales, ce film, dont l’attitude moralisante marque l’intention de s’adresser également à un public jeune, puise dans les valeurs humanistes les plus sincères pour trouver le difficile point d’équilibre entre deux identités africaines si éloignées l’une de l’autre, celle de la campagne africaine et celle de l’urbanisation européenne. Deux identités qui se soudent aussi sur le plan de la production de ce film de fiction, dont il faudra saluer une coproduction franco-burkinabé qui permet de soutenir la prometteuse cinématographie du petit Pays africain.
Info
Le Ciné Guimbi dans le paysage du cinéma burkinabè | Table ronde | Berni Goldblat, Joël Akafou, Michel Amarger | Black Movie Genève, 21st of January 2018
Vivre riche | Film | Joël Akafou | BFA-BE-FR 2017 | 52’ | Visions du réel Nyon 2017, Black Movie Genève 2018
Sesterce d’or Meilleur Moyen Métrage at festival Visions du réel 2017
Wallay | Film | Berni Goldblat | BFA-FR-QAT 2017 | 85’ | Black Movie Genève 2018, Solothurner Filmtage 2018
First published: February 06, 2018