Le sanctuaire invisible

Avec Kawasaki keirin (2016), Mizuno Sayaka nous fait plonger dans le Japon du quotidien, par un montage qui se nourrit d’ellipses et nous laisse le temps de la contemplation. Après plusieurs années, ce film me reste toujours présent à l’esprit pour son fil narratif délicat, qui fait presque figure d’ornement par rapport au réel puissant, montré dans sa socialité par l’image plus que par la parole. Si dans Le sanctuaire invisible la sensibilité pour le réel demeure intacte, ce dernier film de Mizuno Sayaka place au centre la parole. Parole qui est témoignage, récit, dénonciation.

Il s’agit de faire émerger la parole des Burakumin, minorité fortement discriminée au Japon par le passé et encore aujourd’hui. Parias dans une société qui ne tolère guère l’Autre, les Burakumin ont souffert la ghettoïsation mais surtout une longue période d’autocensure, qui les a amenés non pas à défendre leurs droits mais à vouloir s’émanciper en se fondant dans la société « normale ». Le résultat est une disparition de ce groupe social : disparition urbaine également, car nous voyons leurs quartiers érodés par la gentrification, mais surtout disparition qui n’entraîne pas la disparition de l’hostilité ambiante envers toute minorité.

Si la parole se répète de façon presque monotone dans Le sanctuaire invisible, à travers des récits qui apparaissent comme de faibles variations sur un thème dominant, écrasant — celui de la discrimination —, cette fixité s’allie et laisse beaucoup d’espace à l’image, aux cadrages soignés et exprimer une urbanité dure, lourde, qui donne une sensation d’irréversibilité. Contrairement à Kawasaki keirin, Le sanctuaire invisible est un film qui ne laisse pas de place à l’ambiguïté, qui ne nous pousse pas vers la recherche interne, mais qui se projette plutôt vers l’extérieur du Japon, nous amenant ainsi à ressentir l’universalité de son message.

 

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Le sanctuaire invisible | Film | Mizuno Sayaka | CH 2019 | 30’ | Cinéma Spoutnik Genève

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First published: March 15, 2020