La belle de Gaza
[…] Oui, «La belle de Gaza» est aussi un film joyeux, où le plaisir de vivre explose au milieu de la discrimination et de ses tragédies.
Text: Giuseppe Di Salvatore
Qui est la « belle de Gaza » ? Yolande Zauberman nous plonge dans les rues de Tel-Aviv pour une enquête aux mille visages, rigoureusement nocturnes, pour soulever le voile sur les femmes transgenres et sur le secret de Polichinelle des celles provenant de Gaza, sans droits ni identité citoyenne. La belle de Gaza est Nathalie, puis les autres aussi, elle est multiple : elle est complètement exposée, au sens littéral et figuré, ce qui fait de ce documentaire un film où c’est surtout la peau, entre beauté et maquillage, qui brille, qui brille aux lumières de la nuit. Qui brille, encore une fois, au sens littéral et figuré, car la peau renvoie au toucher et à une sensualité-sensibilité dont Zauberman sait restituer la violence et la tendresse. Oui, La belle de Gaza est aussi un film joyeux, où le plaisir de vivre explose au milieu de la discrimination et de ses tragédies.
« Soldier of God » – comme le dit une femme – ou libre dans son hijab – comme le défend une autre –, la variété représentée par l’excellent casting de la réalisatrice française, en réalité une série organique de rencontres, fait émerger un fil rouge religieux loin de l’appartenance et du conflit, qui mise plutôt sur la sublimation ou sur une transcendance libératoire. D’ailleurs, cette transcendance est incarnée, formellement, par de précieux moments de silence, véritables coups de théâtre dramaturgiques et fuite en avant par rapport à une texture sonore complexe (Selim Nassib) et haute en couleur, non sans îlots musicaux de grande force – par exemple le chant-prière improvisé de l’une des protagonistes…
Avec la Belle de Gaza, Yolande Zauberman couronne sa trilogie (avec Would You Have Sex with an Arab?, 2011, et M, 2018) et vingt ans de documentaires en Israël, en renouvelant la thématique sexuelle comme révélatrice des mouvements et des contradictions les plus profonds et universels de la société contemporaine. Le monde des femmes transgenres entre Israël et Gaza devient ainsi autant la scène de l’hypocrisie moraliste et esclavagiste d’une société qui se vend aussi comme moderne, que celle qui relance la question de la femme, entre assomption patriarcale et émancipation guerrière, jusqu’au témoignage (plutôt isolé dans le film) d’une conscience non-binaire, que je vois en tant que dernière lumière et dernier espoir dans la nuit de Tel-Aviv.
This article contains a third-party video. If you would like to watch the video, please adjust your settings.
Watch
Screenings in Swiss cinema theatres
Info
La belle de Gaza | Film | Yolande Zauberman | FR 2024 | 76’ | CH-Distribution: Sister Distribution
First published: November 07, 2024