Je n'embrasse pas les images
[…] Pascal Hamant est à la fois le nostalgique et le sorcier de la vie.
Text: Giuseppe Di Salvatore

Quand le Nisi Dominus – Cum dederit d’Antonio Vivaldi commence – invité inattendu et surprenant, comme le sont également les autres morceaux de musique conviés en protagonistes par Pascal Hamant dans son essai filmique – l’« image terrifiante » dont Je n’embrasse pas les images est l’articulation et le développement, s’anime. Il s’agit de l’image du corps mort de son père, et par ses déclinaisons les plus disparates nous comprenons bien qu’esthétiquement, il ne s’agit de rien d’autre que de la nature morte, à la fois pierre angulaire et pierre d’achoppement de toutes les images auxquelles la peinture, la photographie et le cinéma ne peuvent que se confronter. Il y a donc quelque chose de fondamental dans cette animation de la nature morte, de l’image de la mort, de l’image en tant que mort, parfois quelque chose de désespéré, parfois quelque chose de magique. Pascal Hamant est à la fois le nostalgique et le sorcier de la vie.
Pas d’animation sans confrontation avec la mort – et avec l’hypothèse que les images sont quelque part à l’opposé de la vie. La confrontation de Pascal Hamant est directe, car son choix des images montre qu’il sait chercher la puissance des images, leur force iconique. Comme pour les morceaux de musique, le choix de Marylin Monroe et Ayrton Senna en tant que compagnons de voyage thématise l’iconicité et, justement, sa relation à la mort. La confrontation devient alors un corps à corps cinématographique, passionné, plus sur le registre de la confession que de celui de l’analyse. Hamant n’hésite pas à se mettre en question, s’exposant sans retenue, par une sincérité attachante, en parcourant toute sa vie. Une vie qui, non sans critique, s’attache à renverser le cliché du parricide – un geste étonnant. Que pourra-t-il encore montrer, ce cinéaste, après avoir embrassé les choses ultimes de sa vie tout en n’embrassant pas les images ?
Je n’embrasse pas les images, je les anime, par le cinéma et par sa voix qui est la mienne – semble nous dire Pascal Hamant. Oui, dans un parcours d’images et de sons de grande force et de grande hétérogénéité, sa voix off se distingue par sa singularité : elle n’alourdit pas le discours cinématographique par une méditation pensive, mais trouve une tonalité unique, légère et dense à la fois. Par elle, nous avons la sensation qu’il n’est jamais dans la position de nous délivrer une réflexion bien confectionnée à l’avance, mais qu’il pense, cherche et essaie en parlant. Là, dans sa voix, c’est la véritable trace de l’essai. Car animer les images c’est un essai, non pas un produit. C’est affaire de vibration, peut-être de tremblement.