Introduction

[…] Seul, au milieu des mots, il ne bégaie pas et pourtant, à chaque phrase, c’est comme s’il allait trébucher, rouler, rouler par terre, glisser au-delà du langage, se livrer aux flots impitoyables du désir ardent d’aimer, de vivre.

[…] Un zoom, et le réel s’aplanit. Pour signifier le lointain, la caméra abolit la distance.

Text: Emilien Gür

Reflet

Discrètement, sans crier gare, la mer s’invite dans une portion de plan, reflétée. Illusion naturelle captée par un autre créateur d’artifices (le cinéma), le reflux des vagues s’imprime avec netteté sur la surface vitrée. Paysage proche (à portée de regard) qu’accompagne un son lointain (la mélodie du ressac), dissonance au cœur du réel.

Jaillissement de l’écume blanche et mousseuse, qui s’évanouit en l’espace d’un instant, diluée dans les eaux grises. Fugace, l’instant de la dissolution. Matières lisses et rugueuses, transparentes et opaques, reportées sur la surface imperturbablement plate des vitres.

Et ces figures humaines qui occupent le premier plan ? Orientés vers la mer (à laquelle nous croyons tourner le dos, adossé en vérité à notre siège), deux garçons, adultes mais jeunes encore, contemplent le paysage marin de biais comme par pudeur, dans le silence contre lequel s’entrechoquent leurs phrases.

Ces hivers qui sont comme de longs silences.

Soju

Vérités, irréconciliables, et pourtant.

Dépassée, la limite (à coups de soju). L’épanchement colérique du vieil acteur qui ne s’arrête plus de parler. Seul, au milieu des mots, il ne bégaie pas et pourtant, à chaque phrase, c’est comme s’il allait trébucher, rouler, rouler par terre, glisser au-delà du langage, se livrer aux flots impitoyables du désir ardent d’aimer, de vivre.

Émotion contenue chez le jeune homme. Parfois, ça déborde un peu.

Mer

Indifférente au garçon ivre qui s’élance en elle. S’en fout complétement. Hilare, lui ôte ses vêtements, un à un, mouillés, trempés, imbibés de sel et d’eau. Sécheront plus tard à l’air frais (que dis-je ? glacial).

Balcon

Derrière la balustrade, au loin (mais à quelle distance ?), le regard porté vers un indéfinissable ailleurs.

Un zoom, et le réel s’aplanit. Pour signifier le lointain, la caméra abolit la distance. La silhouette de la mère se démarque à peine du fond gris (un mur derrière elle), semblable à une figure de bas-relief. En revanche, image grumeleuse, comme recouverte de poix.

Plan qui dure comme une question. D’où elle regarde, me voit-elle ?

Retenu, le signe de la main qu’on n’ose pas faire.

 

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Introduction | Film | Hong Sang-soo | KOR 2021 | 66’ | Black Movie Genève 2022

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First published: February 18, 2022