House of My Fathers

La réalisatrice Suba Sivakumaran s’appuie sur l’histoire de son pays, le Sri Lanka, pour nous livrer un conte à la fois poétique et universel. 

Deux villages, l’un tamoul, l’autre cingalais, séparés d’une barrière en bois et de fils électrifiés s’affrontent depuis plusieurs décennies, faisant couler les larmes et le sang. Si la guerre fait rage entre les deux camps, ils sont face à la même crise : les femmes ne peuvent plus concevoir d’enfants. Alors pour conjurer le sort, les dieux imposent qu’un homme cingalais et qu’une femme tamoule se retrouvent dans la forêt des Morts pour se confronter à leurs passés, s’unir et sauver le futur. La prophétie veut aussi qu’un seul d’entre eux rentre sain et sauf dans son village. Ainsi Asoka, soldat respecté devenu paria après une tentative de coup d’État et Ahalya, une femme devenue muette suite à la mort de son mari et de son fils pendant la guerre, se retrouvent sur une plage déserte pour faire ensemble le voyage de tous les dangers.

En ancrant son film dans le réel, la réalisatrice touche du doigt une vérité qu’un documentaire serait certainement incapable d’exprimer. House of My Fathers a la force de pouvoir être apprécié comme une fable quasi dystopique, bien que le film navigue dans les souvenirs bien réels d’une guerre atroce qui prit fin en 2009, après plus de vingt ans de guerre civile. La mémoire des personnages — en dehors d’Asoka et d’Ahalya, ils sont militaires, hommes de foi ou encore étudiants — est celle de tout un peuple. À travers des images à la force d’évocation redoutable, Suba Sivakumaran fait ressurgir cette mémoire traumatique de la plus belle des manières, comme lorsque dans la forêt des Morts Asoka décrit sa souffrance à d’anciens frères d’armes devenus des morts-vivants avides de vengeance, ou lorsqu’Ahalya rejoint des exilés marchant en cercle et en silence dans une angoisse muette. Ici, la tension subtile entre le monde réel et mystique fonctionne à merveille, aussi grâce à la photographie de Kalinga Deshapriya.

En affrontant leurs passés respectifs, Asoka et Ahalya finissent par se rapprocher, ramenant ainsi une lueur d’espoir dans ce récit plutôt sombre. Leur cohabitation devient le symbole d’une paix durable entre leurs deux peuples, avant que la romance ne laisse à nouveau place à la violence. À cet égard, Suba Sivakumaran porte un regard pessimiste sur la possibilité d’une réconciliation. Reste l’apparition d’une vie nouvelle, une naissance… La promesse d’un recommencement, pour le meilleur ?

 

Info

House of My Fathers | Film | Suba Sivakumaran | LKA 2018 | 95’ | International Film Festival and Forum on Human Rights (FIFDH) 2019

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First published: March 20, 2019