Euridice, Euridice | Lora Mure-Ravaud

C’est l’heure bleue. Deux personnages font l’amour dans une voiture. Cette scène me va droit au cœur. Elle est filmée en un seul plan. Les deux amoureuses sont habillées. On pourrait dire que c’est pudique. Mais l’ouverture d’Euridice, Euridice n’est pas pudique, elle est juste.

Trop souvent au cinéma, j’ai l’impression qu’on vole quelque chose dans les scènes de sexualité. Comme si on forçait non seulement des acteurs mais aussi des personnages à performer une chorégraphie de la sexualité. Personne ne croit vraiment à la partition qu’on déroule, ce ne sont que des images, acceptées arbitrairement comme un signifiant pour la sexualité.

Dans Euridice, Euridice, il y a du désir réel. Les actrices principales forment un couple au-delà de l’écran. Cependant, le film ne s’immisce pas dans leur histoire, il la décale dans un espace fictionnel, à travers le mythe d’Orphée et Eurydice. L’allégorie antique structure Euridice, Euridice en diptyque, à l’image de son titre. Elle fait également émerger un fantastique naturaliste au cœur du réel. Mais même à travers le mythe, le désir reste. Celui des actrices, mais surtout celui des personnages. Lora Mure-Ravaud a donné un cadre très précis à ce désir, elle a construit des images avec ses comédiennes. Le mythe est devenu le catalyseur du réel, à moins que cela ne soit l’inverse.

Euridice, Euridice est un film en deux parties, avec des jeux de miroirs. Les mêmes scènes reviennent dans le deuxième chapitre, mais sont cette fois-ci marquées par l’absence d’Alexia. Plutôt que de nous raconter frontalement le deuil, le film nous en offre plutôt son reflet. Mais l’effet du miroir ne s’arrête pas là. Si Euridice, Euridice m’a tant touchée, c’est parce que j’ai pu regarder dans ce miroir. J’ai pu y revoir des regards de désir et des amoureuses disparues. J’ai pu aimer et dire aurevoir dans une salle de cinéma, expérience bien trop rare.