Dernières nouvelles du cosmos

[…] À travers sa prose poétique, nous avons ainsi accès à un univers parallèle, à un esprit qui s’interroge constamment sur sa relation aux autres et à l’existence.

[…] Le choix de Bertuccelli se concentre presque entièrement sur le processus à travers lequel Hélène réussit à composer des textes complexes, et le film semble rester bloqué à l’étonnement initial du contraste entre une personne gravement handicapée et la découverte de son monde intellectuel hautement développé et pourvu de personnalité.

[…] Au constat d’être en face d’un enfant prodige ne suit pas la compréhension de quel prodige on parle…

Quelquefois ils restent toute leur vie à regarder un mur, sans se laisser approcher ni toucher, en complète isolation. La communication est un des problèmes principaux de l’autisme mais la mère d’Hélène Nicolas, Véronique Truffert, a réussi à trouver une méthode pour donner à sa fille l’accès à la parole, ou mieux : lui donner la possibilité de communiquer ses paroles. Oui, parce que la grande découverte de cette mère courageuse et inventive est qu’Hélène, sans l’avoir jamais appris, savait déjà lire et utiliser les mots. Et comment ! Après un long travail de patience et d’endurance de la part de la mère et de la fille, un travail qui témoigne de leur complicité et de leur amour, Hélène est maintenant écrivaine et poétesse. À travers sa prose poétique, nous avons ainsi accès à un univers parallèle, à un esprit qui s’interroge constamment sur sa relation aux autres et à l’existence. À ce propos, il est tout simplement étonnant de constater l’absence totale — au moins dans la documentation — d’un suivi scientifique du “cas” d’Hélène : on ne rencontre aucun neurologue ou spécialiste de l’autisme, mais exclusivement l’intelligente et patiente empirie d’une mère…

Pour tout cela, la documentation de Julie Bertuccelli est certainement précieuse. Cela dit, nous ne pouvons que regretter de suivre un récit filmique effiloché et sans originalité. Le montage nous apparaît approximatif, rythmé par l’insistance sur les premiers plans d’Hélène, dont le sens nous échappe : ses outils d’expression et de communication sont les mots, et non pas un visage dont elle ne contrôle pas proprement la mimique. L’initiative de Pierre Meunier, qui mit en scène les textes et l’univers d’Hélène, a sûrement eu pour effet de mettre Hélène en contact avec un public encore plus large, mais la documentation du film ne nous permet pas de comprendre vraiment le sens et la conception de ce spectacle qui a gagné la scène du festival d’Avignon. Le choix de Bertuccelli se concentre presque entièrement sur le processus à travers lequel Hélène réussit à composer des textes complexes, et le film semble rester bloqué à l’étonnement initial du contraste entre une personne gravement handicapée et la découverte de son monde intellectuel hautement développé et pourvu de personnalité. Mais nous n’avons jamais l’occasion de plonger un peu plus dans ses textes, de suivre le fil de ses réflexions, d’en saisir le sens. Au constat d’être en face d’un enfant prodige ne suit pas la compréhension de quel prodige on parle…

Le plus beau passage du film est sans doute le dialogue entre Hélène et un mathématicien — dont on ne nous dit pas qui il est ni quel rôle il a : ici nous trouvons une clé pour compléter partiellement notre compréhension du grand effort d’expression d’Hélène. Un passage trop court, hélas, qui nous donne seulement envie de nous tourner vers les livres publiés par Babouillec sp (sans parole), le pseudonyme qu’Hélène s’est donné elle-même. Malgré les difficultés d’une documentation qui n’est pas à la hauteur de son sujet, Dernières nouvelles du cosmos demeure un film incontournable, pour commencer à découvrir la sensibilité et la pensée que l’autisme est capable de nous cacher.

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Dernières nouvelles du cosmos | Film | Julie Bertuccelli | FR 2015 | 84’

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First published: December 22, 2016