Cobain

Nanouk Leopold s’insère efficacement dans un filon précis de cinéma qui s’intéresse aux personnes marginalisées, mais il y renouvelle la donnée sociale : le cliché d’une jeunesse qui rejette la génération de ses parents se trouve renversé, et nous sommes face à des enfants dont les parents ont sombré dans la dépendance aux drogues. Cobain, mal à l’aise avec ce nom qu’il porte comme un fardeau, se charge de la tâche impossible de “sauver” sa mère, de la sauver de la dépendance à la drogue mais également de sa solitude. Car Cobain devient le héros de l’affection contre toute une philosophie du “ça va pour moi, ça va pour toi”, incarnée par sa mère et toute une génération qui a confondu l’émancipation des modèles familiaux patriarcaux avec la célébration d’un individualisme cynique.

Mais toute la force de Cobain — il faut le préciser — est justement dans la capacité de Leopold à ne pas construire avec Cobain une figure de héros. Le jeune garçon a 15 ans, et son visage exprime bien l’ambiguïté entre l’enfant et le “petit homme” — Manneken, comme l’appelle Mia, sa mère. Il s’agit ici d’une ambiguïté virtuose qui se manifeste surtout dans les hésitations du garçon, lequel se retrouve à la fin comme destiné à résister jusqu’au bout contre l’autodestruction de sa mère par une force de vie qui semble bien dépasser sa volonté continuellement assaillie. Grâce à cette belle figure complexe, qui donne à voir la vie plus que l’individu, la rencontre intime de Cobain à laquelle une caméra à très courte profondeur de champ nous oblige deviendra pour nous beaucoup plus qu’une simple expérience d’identification.


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Cobain | Film | Nanouk Leopold | NL-BE-DE 2017 | 94’ | Bildrausch Filmfest Basel 2018

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First published: June 02, 2018