Big Mood | Ceux qui rougissent
[…] Tout comme les humeurs contrastées de Maggie, «Big Mood» oscille entre humour et drame, et l’esthétique vient elle aussi à s’adapter aux perceptions plus ou moins sombres des personnages.
[…] Cette démarche de recherche et d’expérimentation dans «Ceux qui rougissent» se reflète également dans le format sériel, qui, tout comme le théâtre, permet de prendre le temps de décomposer des thèmes complexes.
Text: Océane Wannaz
Éclat d’émotions en série
Anciennement nommé ‘’Tous écrans’’, le Geneva International Film Festival (GIFF) a pour spécificité de proposer une programmation transversale tournée vers l’innovation, permettant à son public d’explorer divers formats audiovisuels : longs métrages, courts, réalité virtuelle et séries. Les œuvres sérielles sont estimées au même titre que les longs métrages et trouvent leur place dans les différentes compétitions du festival. Dans le cadre de cette édition anniversaire, c’est la série danoise Bullshit (créée par Milad Alami, Bo Hr. Hansen et Molly Malene Stensgaard) qui s’est vue décerner le prix du Reflet d’Or. Autre particularité du festival, les séries sont également accessibles dans un format hybride, ne laissant personne dans la frustrante attente d’une sortie sur les plateformes de streaming. Les spectateur·ice·s ont ainsi l’opportunité de découvrir les premiers épisodes diffusés en salle, puis de continuer leur visionnement en ligne grâce à un lien transmis lors de l’achat du ticket. En prenant le parti de la pluridisciplinarité, ainsi que dans le choix des œuvres programmées, le GIFF tend à valoriser et encourager l’exploration de nouvelles formes de narration et d’expression. Les séries Big Mood et Ceux qui Rougissent, sont de ces œuvres qui attestent du potentiel d’exploration du format sériel.
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Big Mood (créée par Camilla Whitehill et réalisée par Rebecca Asher) est une série britannique produite par Dancing Ledge Productions pour Channel 4. C’est une histoire de cœur, de sororité, celle de l’amitié fusionnelle qui lie Maggie (Nicola Coughlan) et Eddie (Lydia West) depuis dix ans. Si leur lien semble solide, chaque épisode amène les héroïnes à se confronter à leurs difficultés individuelles et relationnelles, révélant progressivement une dynamique de co-dépendance. Figure maternelle du duo, Eddie porte tout sur ses épaules, s’investissant tout particulièrement à protéger, soutenir et accueillir les montagnes russes émotionnelles de sa meilleure amie bipolaire. Tout comme les humeurs contrastées de Maggie, la série oscille entre humour et drame, et l’esthétique vient elle aussi à s’adapter aux perceptions plus ou moins sombres des personnages. La structure sérielle permet ainsi de développer des thèmes complexes comme celui de la santé mentale, tout en montrant les aléas d’une relation amicale et l’évolution des personnages en alternant les points de vue. En distillant l’histoire en épisodes, la série donne au public la possibilité de mieux s’identifier aux personnages et de s’investir émotionnellement.
Ceux qui rougissent est une série de fiction française écrite, réalisée et interprétée par Julien Gaspar Olivieri, produite par France Télévision et disponible sur Play RTS. Ce dernier incarne un enseignant de théâtre mobilisé en tant que remplaçant dans une classe de lycéen·ne·s. Sa méthode de travail, bien que confrontante, amène les élèves à explorer et laisser parler leurs corps, leurs émotions, leur empathie, découvrant le plaisir de l’interprétation. Huit épisodes de dix minutes – chaque épisode équivaut à un cours, une esthétique et une mise en scène rappelant les codes du documentaire, tout amène à s’immerger émotionnellement dans cette bulle, dans ce groupe, tant on a l’impression de vivre au même rythme qu’eux. Là encore, la structure fragmentée de la série permet non seulement de varier les points de vue – permettant de s’identifier à certains personnages et à mieux comprendre les dynamiques du groupe – mais également de marquer les diverses étapes d’apprentissages et l’évolution des personnages.
Dans Ceux qui rougissent, l’apprentissage d’un texte classique devient un prétexte pour explorer, expérimenter et déconstruire les codes, plongeant les élèves dans une quête ludique d’un nouveau langage, d’une forme d’expression plus personnelle. Cette démarche de recherche et d’expérimentation se reflète également dans le format sériel, qui, tout comme le théâtre, permet de prendre le temps de décomposer des thèmes complexes. Dans les deux projets, Ceux qui rougissent et Big Mood, cette structure épisodique favorise une narration intime, authentique et vulnérable, essentielle pour aborder des sujets profonds. Dans le cas de ces deux séries, qui représentent des personnages adolescents ou approchant de la trentaine, le choix d’une structure où le récit se trouve fractionné permet également de toucher un public cible, habitué à l’exercice de se plonger dans les formats courts même ponctuellement, et qui se reconnaîtra dans ces phases de vie.
Le format sériel, et c’est ce qui le rapproche de l’expérience VR, a la particularité de laisser aux spectateur·ice·s la liberté de choisir s’iels veulent s’investir dans le récit, épisode après épisode, créant ainsi une expérience plus interactive et engageante que le cinéma traditionnel. Il n’est donc pas anodin que ces productions et multiples formats se retrouvent célébrés au sein d’un même festival. Elles œuvrent ensemble à l’évolution de la création audiovisuelle et d’un nouveau langage sensoriel et émotionnel, au Cinéma de demain.
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