Apprendre

Des mains dessinent, tracent des lignes au pastel gras, des visages avec leurs questions, leurs réponses, et quelquefois, un silence : des tentatives. Telle une promesse renouvelée face à l’existence, tout apprentissage requiert une confiance à travers laquelle on reconnaît simultanément ce qui est en chemin et ce qui demeure ignoré. Si ce processus peut advenir sous différentes formes, l’environnement au sein duquel il se déploie est déterminant. Dès lors, une fois encadré par l’école, ce processus rencontre une partie des enjeux structurels qui sous-tendent toute école, tels que l’accessibilité, les modèles éducatifs et les rythmes adoptés, la mise en place d’un cadre adapté aux besoins, les ressources à disposition, ou encore la construction des liens entre enfants et adultes, élèves et enseignant-e-x-s. Car si l’école est également le lieu d’un reflet, celui des dynamiques à l’œuvre au sein de la société, ce documentaire propose de revenir à l’échelle d’un établissement qui traite avec humanité de ces mêmes enjeux. En offrant un contre-pied au mécanisme de polarisation fréquemment observé lors des débats sur l’école publique en France, les images de Claire Simon prennent le parti d’observer les nuances, en dehors de tout jugement, dévoilant un socle commun à partir duquel peut survenir l’émerveillement.

C’est donc à Makarenko, une école primaire située sur la commune d’Ivry-sur-Seine, dans la plus proche banlieue de Paris, que la réalisatrice s’est immergée. Si elle pose un regard tendre sur la salle de classe, sans oublier la cour de récréation, avec ses jeux, ses rencontres, ses discussions, ses découvertes, ses conflits et ses chorales, Apprendre nous rappelle avant tout ce que signifie la coexistence.

Ici, la fatalité du clivage n’a pas lieu. Bien qu’il se laisse deviner – quelquefois difficilement réconciliable –, c’est en se concentrant sur les points de rencontre que le dialogue parvient à faire coulisser les nœuds. Non seulement ce dialogue résiste à l’évacuation des frictions par la répression, mais surtout il prend ses responsabilités quant à l’imagination et à l’expérimentation d’autres réponses possibles. À cet égard, la mobilisation d’outils de médiation et de communication transparaît en filigrane, ceux-ci s’intégrant aussi bien dans la pédagogie de l’enseignement que dans les différentes interactions entre les élèves. Si toutefois certains liens demeurent distants, sur le point de rompre, voire (presque) épuisés, ils semblent pouvoir trouver en la reconnaissance d’une altérité capable d’écoute, les ressources nécessaires à leur soin.

La traduction à l’écran de ce fragile équilibre repose en partie sur une immersion que l’on devine réussie à travers la surprenante proximité entre les élèves, les enseignant-e-x-s et la réalisatrice. Avec agilité, la caméra se faufile – le plus souvent à hauteur d’enfant –, parvenant ainsi à saisir ce qui joue en termes d’évolutions, de questionnements, de reproductions et d’émotions.
En ce sens, Apprendre invite à considérer « ce qui est en train de cheminer ». Le processus d’apprentissage se déroule avec une rafraîchissante simplicité, se laissant entrevoir tel qu’il est, avec ses étapes, ses promesses, ses moments de grâce et ses difficultés. Parvenant à rendre visible la mise en place de stratégies qui valorisent, au sein du collectif, l’exploration de singularités, le documentaire souligne que toute personne porte en elle quelque chose de précieux. Avec délicatesse, il réaffirme l’importance des moyens pédagogiques et sociaux donnés à l’école publique afin qu’elle puisse s’engager à être un lieu de vie propice au développement, à la découverte et à la transmission.