Les Années Super-8
Les biographies racontées sont marquées par les images, mieux : par un médium spécifique, la caméra Super-8, sa présence, ses conditions d’usage. Et par le désir (nécessairement pathétique) d’immortaliser les plus beaux moments de la vie familiale, donc par une intention que l’on voit dans le film progressivement se détacher de la réalité – partagée, déchirée qui se trouve entre l’insouciance des enfants et l’insatisfaction des adultes. L’absence de son crée alors cette suspension typique, presque métaphysique, des images en Super-8, et en même temps convoque la voix, comme si elle pouvait nous sauver de l’embarras des images et de leur encombrante charge nostalgique. C’est la voix (et les textes) d’Annie Ernaux, dernier prix Nobel de littérature, qui sont le vrai pilier du film édité par son fils David à travers la composition du commentaire de sa mère. Par la découverte et la redécouverte d’un médium qui met en dialogue images et voix, Les Années Super-8 raconte ainsi une époque de transformation – les années 1970 – entre les images du rêve bourgeois de la famille heureuse et la voix de la désillusion existentielle d’une mère qui doit encore se retrouver femme, entre les images de l’espoir d’émancipation sociale et la voix de la déception politique face au capitalisme triomphant.
David Ernaux-Briot, Annie Ernaux | FR 2022 | 63’ | Zurich Film Festival 2022
Screenings in Swiss cinema theatres
Text: Giuseppe Di Salvatore