Trains

C’est un travail gigantesque ce que Maciej J. Drygas a réalisé sur des dizaines d’archives de film pour tisser une histoire sociale et politique des trains depuis la naissance du cinéma jusqu’à la fin de l’époque des films noir et blancs. Et la concentration sur la première moitié du 20ème siècle ne pouvait que pousser le film à graviter autour des deux guerres mondiales, en soulignant ainsi la connexion intime que cinéma et guerre entretiennent dans l’histoire récente – il a déjà été fait (de The Halfmoon Files de Philip Scheffner, 2007, à Guerra e pace de Massimo D’Anolfi et Martina Parenti, 2020, par exemple) mais il est toujours important de le faire…  Les trains constituent alors le véhicule privilégié de cette connexion, et également de la connexion globale des peuples, entre bonheur du partage et des rencontres et malheur de l’usage violent de la technologie.

La construction narrative (Rafal Listopad au montage, ensemble avec le réalisateur) fait poser notre regard sur les différents aspects d’une « phénoménologie du train » dont les magnifiques images sur la naissance industrielle des locomotives resteront gravés en tant que représentants d’un émerveillement technologique désormais dépassé. Sans tomber dans une explicite structuration par thèmes ou par époque, la ligne chronologique du film convainc pour sa fluidité hypnotique, qui est renforcée par un grand travail de sound design (Saulius Urbanavičius) ou, il faudrait dire, de véritable « sonorisation », où la musique de Pawel Szymanski est intégrée. L’homogénéité du tissu sonore peut apparaître répétitive, mais elle a certainement la vertu de ne pas déranger la richesse et variété des images en fournissant plutôt une atmosphère générale aux variations subtiles. Je l’ai aussi entendu en tant que fil rouge obsessif, voulu, aux tonalités plutôt tendues et menaçantes, nous faisant ainsi revenir sur la tragédie des guerres et de l’Holocauste, dont le trauma est évident dans la conception du film.

Pour cela, Trains est d’un côté une œuvre somptueuse, importante, précieuse, quelque fois en guise de marche funèbre, de l’autre il est un film qui dans le drame sait cueillir la vitalité débordante des peuples en voyage, souvent coquets et amusés face à une caméra dont nous sentirons toujours la présence. Un voyage très humaniste dans un territoire si distant et si proche à la fois.

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Maciej J. Drygas | PL-LTU 2024 | 80’ | FIFDH Genève 2025
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