The Night Guard

[…] «The Night Guard» est un film à la fois simple et très articulé, qui fait preuve d’une grande maîtrise du storytelling, peut-être aussi grâce à une narration hautement stylisée sans être pour autant invraisemblable.

[…] Par ce biais, Diego Ros sait créer une atmosphère constamment tendue, à laquelle contribue un usage expressif de la musique et du son, qui constituent le véritable pilier formel de «The Night Guard».

Pendant le film, nous nous trouvons toujours loin de la foule de la ville, la nuit, dans le silence d’un site de construction situé sur une colline. Seulement les premières imagesde The Night Guard nous montrent la ville, où le gardien de nuit va à contre-courant pour se rendre au travail. Et son travail de protection, de sécurité, de confiance va certainement à contre-courant d’une ville dévastée par la violence et la méfiance.

« Chava » est un travailleur honnête, ferme dans ses principes, fidèle à la simple vérité. Mais son travail silencieux et apparemment à l’écart du grand monde le mettra immédiatement face à toute une série d’« épreuves » — selon la bonne vieille tradition du héros romanesque : c’est la ville qui pousse sur la colline, et finit par déranger la nuit de travail avec sa violence et sa méfiance. Un infanticide mystérieux, le cuivre volé dans le dépôt, une balle perdue qui tue une femme qui ne devrait pas être là, un autre enfant caché dans le bâtiment : la narration est continuellement ponctuée d’infractions. Et à la violence s’ajoutent le comportement suspect de son compagnon de travail, Hugo, et celui de la police qui enquête sur le meurtre de l’enfant. Or, tous ces détournements ne respectent pas une ligne cohérente, ou un seul plan criminel, comme l’on imaginerait au début ; ils construisent plutôt un labyrinthe de méfaits, qui conduira Chava à se faire lui-même enquêteur. Sa droiture devra ainsi entamer un bras de fer avec le compromis, sous la constante menace d’autres événements mystérieux et violents.

The Night Guard est un film à la fois simple et très articulé, qui fait preuve d’une grande maîtrise du storytelling, peut-être aussi grâce à une narration hautement stylisée sans être pour autant invraisemblable. Par ce biais, Diego Ros sait créer une atmosphère constamment tendue, à laquelle contribue un usage expressif de la musique et du son, qui constituent le véritable pilier formel de The Night Guard. Dans cette tension nocturne, la solitude du héros prend des proportions épiques, à la suite de l’écroulement des valeurs initialement incarnées par le protagoniste, comme le respect de l’autorité et l’amitié.

L’aventure de Chava est aussi régulièrement interrompue par des appels qui le réclament en ville : on découvre à la fin qu’il s’agit de la naissance de sa fille, à laquelle il ne pourra pas assister. La nuit de notre gardian de nuit s’enrichit ainsi d’une valeur sacrificielle, qui trouvera sa sublimation dans le final encore grâce à la musique, par l’introduction d’une nocturne de Chopin. Un choix qui frappe, car il crée une distance abyssale avec l’atmosphère du film et son contexte, renvoyant peut-être à une impossible nuit paisible — celle que le protagoniste, ou Diego Ros lui-même, souhaitent ou rêvent pour la fille naissante ?

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The Night Guard | Film | Diego Ros | MEX 2016 | 67’ | FIFF 2017 | Filmar en América Latina Festival Genève

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First published: April 07, 2017