Histoires maternelles

[…] Plus qu’une confession intime, il s’agit d’une confession de l’étrangeté de l’intime.

[…] La peur de la maternité, de la perte de liberté, la reconnaissance de la filiation, la condamnation à un rôle social qui pourtant se présente sous la forme de la nature et de l’amour.

La maternité est-elle une question ? Anouk Dominguez-Degen a le courage de la poser comme telle, avec une honnêteté qui frappe. Plus qu’une confession intime, il s’agit d’une confession de l’étrangeté de l’intime. La voix off sculpte des phrases qui réduisent la question à son essence – qu’elle reste si souvent cachée, cette essence maternelle ! La peur de la maternité, de la perte de liberté, la reconnaissance de la filiation, la condamnation à un rôle social qui pourtant se présente sous la forme de la nature et de l’amour. Une affection tendre et une angoisse troublante se mêlent dans une réflexion qui n’est rien d’autre que l’expression d’un constat existentiel. Alors, la question de la maternité glisse vite, et doucement, vers la question du deuil impossible de sa propre naissance et de sa propre existence. La voix off impose une respiration lente, un rythme qui laisse au spectateur le temps de songer aux images. Le superbe montage d’extraits de l’archive de famille ensemble avec les nouvelles images tournées tisse un discours filmique intelligent, insistant sur l’entrelacs du passé et du présent, un discours qui cherche à toucher le mystère de l’héritage et de la famille dans sa réalité intergénérationnelle. L’écriture du film se plaît donc à jouer avec les inversions, les superpositions, les mélanges, y compris de langues. À l’universalité de la maternité s’oppose ainsi la résistance de la liberté, qui contamine également la forme du film. Cette résistance de la liberté se fait ainsi retrait, transformation, voire migration (quelle brillante intuition de relier la migration à la liberté frustrée des mères…) : un subtil sabotage de la vérité maternelle, qui est conjuguée dans ses histoires diverses. Ce film est une véritable perle dans la programmation de courts-métrages des Journées de Soleur.

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Histoires maternelles | Film | Anouk Dominguez-Degen | CH 2015 | 28’ | Solothurner Filmtage 2016

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First published: April 25, 2016